Peut-on penser le football autrement que comme un divertissement de masse ou une dérive exacerbée du capitalisme ? Plus qu'aucun autre phénomène contemporain de société , le football souffre de la pensée unique. Une impasse idéologique qui doit ses origines dans l'absence d'une contre-réflexion de la part des intellectuels de gauche.
Une pensée de gauche contre le football
Si malaise il existe lorsqu'on évoque le football aujourd'hui, c'est qu'il concentre une partie des maux du libéralisme à outrance, dont le modèle s'est vu remis sérieusement en cause suite à la crise financier de 2008.
Celle-ci a permis de remettre au goût du jour le vieux concept de lutte des classes (COUCOU FLEUR PELLERIN) que l'on croyait enterré avec la chute du communisme et avec la globalisation d'un modèle économique libéral. Cette résurrection des vieilles recettes socialistes (attention à ne pas faire l'amalgame avec le parti social-démocrate du même nom) ne prend pas dans le football.
Ouais, ce ballon tu as vraiment envie qu'il reste coincé en haut d'un arbre
Le mouvement marxiste ne bénéficie d'aucune réflexion sur la manière de penser le football autrement. Pire, ce côté de l'échiquier idéologique semble bloquer sur le fait que le football soit l'opium du peuple, un véritable instrument d'encadrement pulsionnel des foules.
>> voir notre article : La gauche a-t-elle un problème avec le football ?
Le freudo-marxisme va même plus loin : le football n'est qu'esprit de combat, propagande chauvine, culte de l'uniforme (tous en bleu, tous derrière le chef ou le totem), ordre et discipline, grégarisation national-populiste...)Jean-Marie Brohm et Marc Perelman (le football, une peste emotionnelle) vont même jusqu'à penser que la victoire de 98 a contribué à la montée du FN lors de l'élection de 2002.
Aussi extrême soit cette position, elle trouve un certain écho jusque dans les franges les plus modérées de la gauche. Cette manière de penser le football n'est pas nouvelle puisque dans les années 30, Léo Lagrange faisait déjà la part belle au sport en tant qu'activité de bien-être, en opposition avec la professionnalisation et l'appât du gain.
Ce dégoût à l'égard du football réunit toutes les composantes des la gauche : du marxiste qui ne voit en le football qu'un appendice du capitalisme ou du partisan de la social-démocratie qui perçoit le football comme une activité dépourvue de valeurs.
La ségrégation socio-spatiale des tribunes
Et pourtant...en terme d'analyse marxiste et de lutte des classes, le football offre des sujets de réflexion variés qui mériteraient que l'on s'y attarde.
Dans les tribunes tout d’abord. Les associations de supporters sont composées en général par les classes populaires. A quelques mètres, dans une configuration empêchant une certaine mixité sociale, le consommateur - spectateur, issu de la classe moyenne vient chercher du divertissement avant de supporter. Une ségrégation sociospatiale (selon le terme du géographe Guy Di Méo) qui trouve son paroxysme dans la multiplication des loges VIP, espace totalement hermétique qui permet d’avoir une vue à la fois sur l’ambiance des tribunes en contrebas, sur le rectangle vert et sur les réseaux qu’il faut tisser au sein des loges. Un isolement volontaire de la "classe bourgeoise" qui traduit parfaitement le concept de l'entre-soi développé par les sociologues Pinçon-Charlot.
Les tensions qui traversent le monde du supporterisme depuis quelques années sont le symbole même d'une lutte des classes. Sous couvert d'éradication de la violence dans les enceintes sportives, les autorités et les dirigeants de club cherchent avant tout à reconquérir les rentables tribunes gracieusement laissées aux associations de supporters.
La méthode employée par les dirigeants et les pouvoirs publics n'est d'ailleurs pas sans rappeler la stratégie du choc développée par Naomi Klein. Sous couvert d'une situation de crise, des mesures libérales sont alors prises et acceptées par l'opinion publique. Dans le cas présent, la lutte contre les violences au sein des enceintes sportives decoule de la mort de Yann Lorence et des dérives d'une partie des tribunes parisiennes.
Le Parc des Princes a alors constitué un laboratoire (à l’instar de l’Amérique du Sud dans les années 70 en matière d’économie, l’histoire du Chili de Pinochet est d’ailleurs terrifiante) visant à officiellement lutter contre le hooliganisme et officieusement à vider les tribunes d'associations de supporters dont les revendications se faisaient de plus en plus pressantes.
>> VOIR NOTRE ARTICLE : La stratégie du choc version Leproux
Les supporters et particulièrement le mouvement ultra constituent d'ailleurs aujourd'hui la seule forme de "conscience de classe" du football moderne. Que l'on empêche des individus de circuler dans une ville sous seule raison qu'ils sont supporters du PSG, qu'un Montpelliérain perde un œil suite a un tir de flashball ou que la police délivre des listes noires empêchant des gens sanctionnés dans un stade de se rendre dans un autre sont autant de mesures répressives qui n'auraient jamais vu le jour si l'opinion publique n'avait pas fait l'objet d'un matraquage médiatique en règle.
L'association Red Star Bauer dans les tribunes du Stade de France milite pour que leur club reste dans leur stade historique : l'exemple d'un mouvement organisé et militant
Pour cela, l'on condamne toutes formes de dérapage violent, vieille ficelle libérale visant à décrédibiliser une lutte en démontrant que son adversaire n'accepte pas le débat démocratique. C'est le même stratagème utilisé lorsqu'on évoque la séquestration des patrons ou le saccage d'une usine suite à un plan social. Toutes les formes de radicalité sont malvenues mais que faire lorsque quelques-uns détiennent tous les moyens de communication ?
Demain, retrouvez la suite de cet article : Emergence d'un pronétariat du foot et piste de réflexion pour un football de combat.
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Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.
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xavier
21 Décembre 2012
Grâce à cet article, je viens d'apprendre de nouveaux mots : socio-spatiale, supporterisme. Je découvre également que l'ancien footballeur Di Meco est maintenant géographe, j'en suis abasourdi :)
Plus sérieusement, voilà encore une belle analyse que nous change des derniers potins sur les caprices de Ronaldo ou les doublés de Messi.
xavier
21 Décembre 2012
Grâce à cet article, je viens d'apprendre de nouveaux mots : socio-spatiale, supporterisme. Je découvre également que l'ancien footballeur Di Meco est maintenant géographe, j'en suis abasourdi :)
Plus sérieusement, voilà encore une belle analyse que nous change des derniers potins sur les caprices de Ronaldo ou les doublés de Messi.
Jean-Michel Spermufle
21 Décembre 2012
Et moi je viens d'apprendre le mot "pronétariat"...