Le peuple de gauche a-t-il un problème avec le football ?
Alors que la campagne des Primaires socialistes arrive à son terme, il est un débat qui aura brillé par son absence entre les six candidats : la place du sport professionnel ou amateur au sein de notre société. Paradoxal lorsqu'on sait que les pages sportives de nos quotidiens sont parmi les plus lues dans l'hexagone. Ce silence volontaire de débattre d'un des sujets d'actualités au sein de l'opposition vient rejoindre les nombreuses critiques faites par les sympathisants de gauche à l'encontre du football qui se résume souvent par un « sport de millionnaires en short aimé par des beaufs». Pourquoi un tel désamour entre une partie de la population française, sa classe politique et un sport encore représenté comme une facette du mouvement populaire ? Le Moustache Football Club qui a toujours milité pour un football populaire et plus de frites à la cantine revient sur ce qui nous semble une erreur de stratégie politique de caricaturer le sport le plus populaire.
Alors que la campagne des Primaires socialistes arrive à son terme, il est un débat qui aura brillé par son absence entre les six candidats : la place du sport professionnel ou amateur au sein de notre société. Paradoxal lorsqu'on sait que les pages sportives de nos quotidiens sont parmi les plus lues dans l'hexagone. Ce silence volontaire de débattre d'un des sujets d'actualités au sein de l'opposition vient rejoindre les nombreuses critiques faites par les sympathisants de gauche à l'encontre du football qui se résume souvent par un « sport de millionnaires en short aimé par des beaufs». Pourquoi un tel désamour entre une partie de la population française, sa classe politique et un sport encore représenté comme une facette du mouvement populaire ? Le Moustache Football Club qui a toujours milité pour un football populaire et plus de frites à la cantine revient sur ce qui nous semble une erreur de stratégie politique de caricaturer le sport le plus populaire.
FAUTE AVOUÉE...
Il faut d'abord faire preuve de bonne foi. Les dérives de ce sport sont réelles. Nous sommes les premiers à cracher dans la soupe qu'on nous vend chaque jour. Il n'est pas ici question de vous démontrer que les gens qui pensent ainsi ont tort mais de trouver les causes d'un tel désamour et d'ouvrir des pistes de réflexion.
D'ailleurs, il n'a pas fallu attendre les dérives libérales et récentes du football pour voir naître une critique acerbe de la part de la gauche dans son ensemble. Historiquement, un tournant s'opère en France à partir des années 20, lorsque le foot oscille entre amateurisme aux valeurs olympiques et professionnalisme. C'est la question même de la philosophie sportive qui est en cause : faut-il voir le sport à travers le prisme politique de la question sanitaire ou par celle de son développement économique ? Léo Lagrange, socialiste du SFIO puis secrétaire d'état aux sports sous le Front Populaire se saisit de la question du professionnalisme dès 1937 :
« Si nous avons à faire un effort commun dans le domaine sportif, comme dans bien d’autres, c’est un effort de moralité. J’ai écouté avec grand intérêt M. Temple qui a fait apparaître les dangers redoutables du développement du sport professionnel. Hélas ! lorsqu’on accepte qu’un geste humain qui, par nature doit être désintéressé, devienne la source de profits importants, la juste mesure est très difficile à déterminer.
Je crois que le jour où l’on a admis que le jeu sur le stade pouvait être l’occasion de profits importants, on a fortement atteint la moralité du sport. Aussi, de toutes mes forces et quelles que soient les critiques, parfois sévères, dont mon action pourra être l’objet, je m’opposerai au développement du sport professionnel dans notre pays. Je détiens au Parlement la charge de servir les intérêts de toute la jeunesse française, et non de créer un nouveau spectacle de cirque »
Un pamphlet redoutable de celui qui donna son nom à plus d'un stade de l'hexagone et qui voit dans le sport une activité de développement personnel et non lucrative. C'est encore aujourd'hui cette conception que le Parti Communiste Français défend, seul organisme politique à bénéficier d'une commission de réflexion sur ce sujet. (Voir d'ailleurs l'article de Nicolas Kssis Martov à ce sujet).
Pour prendre conscience du désamour qui sévit entre le football et les sympathisants de gauche, il vous suffit de vous rendre sur Rue 89 par exemple. Le site d'information fondé par Pascal Richer (ancien de Libération) a tenté de mettre en place une rubrique Rue 89 Sport, présentant l'actualité sportive, souvent de manière décalée. Traitant du football, il n'est pas rare de voir « les riverains » (les lecteurs de Rue 89) s'attaquer à tous les articles traitant du ballon rond. La vindicte est souvent identique : pourquoi un site d'information se rabaisserait-il à parler de football ? Cette activité concentrant dans une même enceinte des millionnaires écervelés et des hordes d'individus fascisants .
Assez logiquement, aussi grossières soient-elles, on retrouve deux critiques propres à un sympathisant de gauche : l'inégale répartition des richesses et la lutte contre la xénophobie.
QUELS DISCOURS DES REPRESENTANTS POLITIQUES DE GAUCHE ?
Un discours relayant celui des leaders politiques ? Au sein du Parti Socialiste, ce n'est pourtant pas le cas. Martine Aubry et consorts ont toujours démontré un attachement – de circonstance ou sincère – à l'égard du football. Certes, la position de la classe politique de droite et de gauche fut unanime pour condamner le comportement du onze de Knysna. A la gauche de la gauche, le son de cloche est différent. Jean-Luc Mélenchon s'est fendu d'un « football opium du peuple » au moment de la Coupe du Monde 2010. Une déclaration qui s'inscrit parfaitement dans la position freudo-marxiste que nous avions déjà eue l'occasion de vous présenter au travers la critique de l'ouvrage de Jean-Marie Brohm intitulé « le football, une peste émotionnelle » . Un sport comme symbole de régression culturelle, de contrôle des masses, de corruption ou de dopage, tous pourris par l'argent-roi. Il est intéressant de constater que les arguments présentés par les opposants du football vont piocher habilement (et certainement sans le savoir) dans ce courant de pensée sociologique, même si l'on peut estimer que pour certains, il s'agit d'une posture condamnant un pan d'une culture jugée trop populaire donc dénuée d'intérêt et de sens.
Bref, les éléments qui symbolisent ce désamour sont nombreux. Et pourtant...il semble y avoir tant de questions dont la gauche ne s'est pas saisie, à tort car il nous semble que ces idées pourraient être défendues en adéquation avec les valeurs de ces partis.
SE SAISIR DE LA STIGMATISATION DES SUPPORTERS
Rejoins Roms, Musulmans et autres catégories sociales, cher ami à écharpe qui chante dans les tribunes, tu fais parti de cette frange de la population stigmatisée par le gouvernement en place depuis 2007. Et l'on peut dire qu'avec une partie de la LOPSSI 2 qui lui est spécialement dédiée, tu occupes aujourd'hui une place de choix. En renforçant les sanctions concernant les violences au sein et en dehors des enceintes sportives, cette loi a franchi un palier dans le respect du droit de circulation des individus.
Un simple arrêté pourra alors restreindre ou interdire tout déplacement personnel ou collectif de supporters ou de personnes se comportant comme telle. La dernière application en date aura lieu lors des prochaines rencontres opposant Parisiens et Marseillais, les conditions de sécurité étant jugées insatisfaisantes. Même si les députés PS, PCF et Verts ont voté contre la promulgation de cette loi, seuls les communistes ont osé remettre en cause cette chasse aux sorcières les soirs de match (voir article ici).
Souvent catalogué comme hordes de barbares passionnés et violents par le peuple de gauche, ce dernier oublie que derrière la plupart des supporters se cachent des associations qui regroupent des individus guidés par une même passion : celle du soutien de leur équipe. A l'instar de nombreuses structures loi 1901, l'important n'est finalement pas l'objectif mais le « vivre ensemble », le lien social qui est capable d'être tissé entre les différents membres. Qu'importe si vous trouvez leur folklore désuet, ridicule et si caricatural, il est tout à fait inacceptable que des individus se voit interdire l'entrée d'un stade, cela pour le port d'une écharpe de l'équipe adverse. Un peu comme si il s'agissait d'un délit de faciès ou de conviction.
En 2009, à Lens, pour la simple raison que des gens immatriculés en région parisienne se trouvaient dans l'agglomération lensoise, ces derniers ont passé près de 4 heures en garde à vue. Alors que certains ne se rendaient même pas au match mais honorer leurs obligations familiales. Grotesque.
L'exemple le plus souvent cité de collusion entre gauche et football est le club de Sankt Pauli, en Allemagne qui démontre bien que lutte politique, synergie associative et football peuvent être lié. Un épiphénomène que l'on retrouve dans d'autres pays mais aucunement en France où la politisation des tribunes reste encore un sujet particulièrement tabou.
SENSIBILISER LE PUBLIC AUX DERIVES DE LA PREPARATION DE L'EURO 2016
Nous vous avions déjà présenté les nouveaux stades qui seront érigés pour l'Euro 2016 [CLIQUEZ ICI] et leurs inadéquations avec les politiques environnementales. On regrettera qu'aucun parti de gauche hormis les élus d'Europe-Ecologie Les Verts locaux ne se soit montré critique à l'égard de nombreux points délicats : le coût exhorbitant de ses équipements à la charge des contribuables, l'arnaque des partenariats public-privé, le découpage du gateau de construction entre 3 grands groupes du BTP, tous proches du gouvernement en place, l'utilisation optimale de ces équipements une fois l'évènement achevé...etc etc. Les sujets mêlant dérives oligarchiques et non respect des principes basiques de protection de l'environnement ne manquent pas. Qui plus est lorsque ce sujet ne concerne pas uniquement les amateurs de football.
Cette sensibilisation passe obligatoirement par une prise de conscience au niveau de la presse également. Le sport et le football sont en général traités par le biais de leurs résultats, mais très peu par leurs conséquences sociales ou économiques. Au pire, les vautours médiatiques s'emparent de l'aspect people de ces idoles des terrains. Rue 89, par l'impulsion de l'arrivée de Imanol Corcostegui , a parfaitement compris que le football ne se limite pas aux enceintes du stade, preuve en est avec cet article sur un footballeur professionnel en prise avec les difficultés économiques actuelles. Certes, les critiques persistent, mais cette intellectualisation du football dans la presse a du bon et éveillera forcément les consciences de ses lecteurs.
LUTTER CONTRE LA FRACTURE SPORTIVE
Un des chevaux de bataille du PCF Sport, c'est de mobiliser le grand public afin de lutter contre le « détricotage » du service public du sport. Suite à la RGPP (Révision Générale des Politiques Publics, analyse des missions et actions de l'état afin d'optimiser l'ensemble de ses structures – comprenez désosser le service public au profit de quelques entreprises privées), les collectivités ne peuvent plus faire face à la demande de leurs habitants en terme de pratique sportive, qui plus est en période de crise où le sport, la culture ou l'éducation sont les premiers postes à pâtir des restrictions budgétaires.
Il est vrai que les questions du sport et du devenir du football apparaissent bien moins primordiales que celle de l'économie ou de l'éducation par exemple. Cependant, les partis politiques ne peuvent faire l'impasse d'une réflexion sur ce sujet tant sa prestance médiatique est importante. Alors que la droite a su se saisir du football par le prisme de la question sécuritaire, celle de l'immigration (scandale des quotas) et sait se positionner comme acteur de ses réussites (Sarkozy rend visite à Aulas en 2007 pour se montrer à côté de cette France du foot qui gagne, attribution de l'Euro 2016 etc etc), il serait de bon ton que les politiciens de gauche cessent de ne voir le football qu'à travers ses défauts, aussi accablants soient-ils.
Il y'a bien une place pour un débat sur le football à gauche, en total accord avec les valeurs défendues par leurs sympathisants : lutte contre les inégalités, lutte contre toutes formes de discrimination (raciale et stigmatisation des supporters) et tenter de limiter la fracture sociale qui sévit même au sein de la pratique sportive.
Dans un pays plutôt hostile au football - contrairement à l'Angleterre et l'Allemagne où ils participent au renforcement de l'identité locale - il s'agit avant tout d'éveiller les consciences et de démontrer que le football n'est pas qu'un sport ayant vendu son âme au diable. Le débat ne doit pas être occulté à gauche, sous peine de renforcer d'autant plus l'impression d'une fracture entre représentants politiques et passion d'une partie de leurs sympathisants potentiels...