Oui, il existait au Parc une tension nauséabonde entre les deux virages mais également avec les supporters d’autres clubs. Oui, deux morts en deux ans, c’est beaucoup trop. On ne reviendra pas ici sur les responsabilités de chacun, mais ce qui nous semble tout aussi infecte que cette relation entre les tribunes, c’est cette volonté de transformer la Porte de Saint-Cloud en « Parc d’attraction des Princes », sous couvert de terreur et de criminalisation des supporters.
Pardonnez-nous le parallèle, mais à l’instar du Chili sous Pinochet qui a servi de laboratoire au reste de l’Amérique du Sud, nous ne sommes pas loin de penser que ce qui arrive actuellement aux supporters du Parc n’est qu’un avant-goût de ce qui attend les supporters de l’ensemble de l’hexagone.
Chronofoot indiquait dès le mois d’octobre 2010 que Brice Hortefeux, le ministre de l’intérieur songeait à appliquer la politique de sécurité du Parc à l’ensemble des stades français [cliquez ici] , la LOPSSI 2, bible du tout sécuritaire propose de légaliser le « couvre-feu anti-supporters » [cliquez ici] qui interdit l’accès à une zone donnée aux fans de certains clubs et de renforcer les sanctions pour les délits commis à l’intérieur des enceintes sportives. Un individu reconnu coupable dans un stade pourra alors être plus sanctionné qu’un individu en dehors ? pour le même délit ? Voyons…
Paris condensait une partie des problèmes de hooliganisme en France. Quid alors à l’échelle nationale ?
Une année 2016 qui s’avoue charnière pour le supportérisme français
Il faudra attendre 2016 et les nouveaux stades dédiés à l’Euro pour prendre conscience du déclin ou non du supportérisme en France.
L’exemple du Mans est intéressant : Avec le transfert du club vers leur nouveau stade, le MMA Arena, les Sang et Or disposent d’un nouvel écrin flambant neuf. Si les associations de supporters semblent assez satisfaites de leur transfert (prix des places similaires, toit et localisation optimale), certaines voix s’élèvent pour interroger le club quant à l’interdiction d’abonnements dans certaines parties du stade. L’analyse des prix des abonnements l’année prochaine sera intéressante pour constater si ce nouveau joujou ne nuit pas à l’accueil des classes populaires, comme ce fut le cas lors de la rénovation des stades en 1998.
Strasbourg est aussi symptomatique des relations qui se tendent entre association de supporters et dirigeant [cliquez ici].
Même le Racing Club de Lens, estampillé soi-disant « Meilleur public de France » voit son « titre » remis en cause dans les médias, suite à la boulette de papier reçue par un arbitre lors du derby face à Lille ou lors d’invectives à l’adresse des joueurs.Leurs déboires est le signe que les supporters bénéficient de peu de crédits auprès des médias et donc de l’opinion publique et qu’un léger incident peut vite stigmatiser toute une tribune.
C’est dans cette ambiance délétère que Rama Yade avait fait appel à Ludovic Lestrelin pour analyser la situation du supporterisme en France.
"Un livre vert du supportérisme" pour rien
Sollicité par Rama Yade en 2010 suite aux déboires du PSG, le livre vert du supportérisme [cliquez ici] avait pour objectif d’établir un état des lieux en France et de préconiser une série d’actions pour mettre un terme au hooliganisme et permettre aux mouvances supporters de « mieux-vivre » et de s’émanciper. Ce document est une merveille de consensus. Si l’on peut reconnaître une qualité à ce document, c’est celle de ses rédacteurs. Nicolas Hourcade, Ludovic Lestrelin et Patrick Mignon, 3 sociologues s’intéressant aux phénomènes sociaux qui gravitent autour du sport, que cela soit dans les tribunes ou sur le terrain. L’ensemble des entretiens a été mené auprès d’associations de supporters, des pouvoirs publics mais aussi auprès des patrons de club.
Leur constat est sans appel : les problèmes causés par les supporters recouvrent quelques problèmes très graves mais ne représentent que 4% des incidents répertoriés depuis 2006. Les dispositifs policiers et les mesures répressives leurs semblent suffisants contrairement à l’action préventive, essentiellement à la charge des clubs. Il n’existe par exemple pas de dispositif à l’échelle nationale. Ils insistent aussi sur le fait que la destructuration des associations est parfaitement contre-productive.
Or, avec l’arrivée de Chantal Jouanno à la place de Rama Yade et en constatant le ton durci par la nouvelle ministre des sports sur certains sujets, il y’a fort à parier que les préconisations appelant à plus de préventions et de dialogues avec les supporters a peu de chance de se concrétiser. L’omniprésence du Ministre de l’intérieur sur les sujets concernant les supporters peut aussi inquiéter quant à une réflexion essentiellement portée sur l’aspect sécuritaire du supportérisme.
Demain, le Moustache Football Club concluera ce dossier sur l'état du supportérisme en indiquant les leviers d'actions dont bénéficient les associations de supporters.
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Retrouvez l'ensemble de notre dossier sur le Plan Leproux :
♦1 La stratégie du choc version Leproux
♦3 Quelles issues pour les supporters parisiens ?
Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.
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