Supporters : une saison en enfer
On ne pouvait pas espérer repartir sur de meilleures bases... La saison 2013/2014 démarre par une tension palpable entre le monde du supporterisme et la LFP. Les pouvoirs publics quant à eux, détournent le regard.
Les conséquences tragiques du Trocadéro
Nous l'avions exprimé au moment même des événements de la remise du trophée de la Ligue1 au Paris Saint-Germain: les heurts ce jour là représentaient le premier pied dans la tombe de toutes les associations de supporters. Le collectif Liberté pour les abonnés qui avait décidé de se faire entendre n'imaginait pas que cela déborderait en émeute. D’une certaine manière, les violences ont légitimé la politique répressive qui a eu lieu sur les stades de France au cours de la saison...et pour celle à venir.
Car au bout de 4 journées de Ligue 1, en même pas un mois de compétition, Le dialogue est complètement rompu. Les pouvoirs publics multiplient les arrêts préfectoraux interdisant les déplacements des visiteurs extérieurs : Nice à Ajaccio, Paris à Nantes. A peine voilée, Frédéric Thiriez, président de la LFP, invite les clubs de Ligue 2 à faire la chasse aux contestations du collectif SOS Ligue 2 (voir la circulaire en cliquant ici).
A Laval, certains supporters lensois se sont vus interdire l’entrée du stade si ils arboraient un t-shirt invitant la LFP à revoir sa copie sur les horaires des matchs de l’antichambre de l’élite. L’A.S.Nancy Lorraine sera convoqué dans trois semaines pour des chants anti-LFP et anti-BeIn Sport de ses supporters face au Havre.
Football durable, supporters jetables ?
Dans le même temps, les pouvoirs publics s'attellent à la création d’un groupe de travail sur le modèle de développement économique et social que doit suivre le football français. Le collectif Tatane appréciera que le gouvernement ait fait le choix du terme “football durable” pour ce regroupement de tous les acteurs du ballon rond.
Tous ? Non. Puisqu’aucune personnalité du monde universitaire (STAPS, économiste du sport, marketing sportif, sociologues) n'est présente autour de la table. Également absents, les “consommateurs” du football : association de supporters, représentant des spectateurs ou des téléspectateurs n’apparaissent pas comme acteurs principaux ou acteurs consultés par ce groupe de travail. Une réflexion politique d’un gouvernement de gauche qui se fout encore plus des supporters que du précédent gouvernement : rappelons qu’en 2010, sous l’impulsion de Rama Yade, chercheurs et universitaires (pour ne citer qu’eux : Hourcade et Lestrelin à la baguette, excusez du peu) avaient été convié à réaliser une analyse du supportérisme en France et à en dessiner les principaux axes de développement. Manque de bol, l’émoi provoqué par la mort d’un supporter du PSG à relayer le document au placard.
La radicalisation du mouvement
Censure de la Ligue et ignorance des pouvoirs publics sont les deux mamelles qui allaitent la colère des supporters. Le collectif SOS Ligue 2 fut le premier à déclarer la guerre à la Ligue. Créé en 2004 afin que les matchs de la seconde division se joue le samedi soir, le collectif a pris une dimension supérieure lors de la dernière saison, lorsque BeIn Sport imposa les matchs à 19h le vendredi soir. A force d’actions coups de poing dans les tribunes (et peut être un peu à cause de la baisse de la fréquentation des stades), BeIn et la LFP ont décalé les matchs à 20h. Une demi victoire pour les membres du collectif qui n’en démordent pas : les matchs de Ligue 2 doivent se jouer le samedi.
Le pire est à venir
Cette radicalisation des associations de supporters était inévitable. Parallèlement, les exactions aux abords des stades se multiplient, comme se fut le cas le week-end dernier, lorsqu’un supporter marseillais et sa famille (!) ont été pris à parti par des individus arborant des maillots valenciennois. Des débordement qui n’ont bien sur rien à voir avec le combat politique mené par les associations de supporters mais que les médias et la Ligue ne s’empêcheront pas de mettre dans le même panier.
La communication moderne étant ce qu’elle est, il faudra attendre un fait divers égal à celui de ce supporter montpellierain qui perdit son oeil suite à des échauffourés en marge du match Montpellier - ASSE pour que l’opinion publique ne s’émeuve du délit de démocratie qui se joue dans les travées du stade. Comme l’a indiqué Pierre Barthélemy dans l’entretien qu’il nous a accordé, ce n’est pas sur le terrain légal que les supporters pourront se faire entendre. L'importance réside dans la sensibilisation de l’opinion publique.
Supporters, bouge ton cul !
Car à l’heure actuelle, l’absence de consultations des pouvoirs publics auprès des supporters s’explique également par l’absence de structure nationale relayant d’une seule voix les griefs des animateurs des tribunes. Il est déjà bien difficile de fédérer plusieurs associations de supporters dans un stade, alors imaginez au niveau national, quant en filigrane se jouent les rivalités et tensions qui ont fait l’histoire du football.
Incapacité à se regrouper pour des raisons de rivalité, d’opinions politiques et de temps (un représentant national des supporters doit être légitime et doit dont déjà être membre actif d’une association de supporters, en plus de sa représentativité nationale : un double emploi chronophage), l’impulsion aurait donc pu venir des pouvoirs publics si ils avaient saisi l’importance de cette problématique…Hélas…
Au jour d’aujourd’hui il serait intéressant de rencontrer les membres de SOS Ligue 2, seule association d’envergure nationale et qui a acquis une certaine légitimité auprès des associations tout en se montrant un acteur prêt à défendre leurs intérêts. Les médias commencent à s’y intéresser, il y a donc une première piste à creuser pour qu’une seule voix ne se fasse entendre.
Les stades de l’Euro 2016, une première pierre sur la tombe des associations
Car il y a urgence. Tous les acteurs économiques veulent pacifier les tribunes des stades de l’Euro 2016, déployant ainsi un environnement sain pour focaliser l’attention de toute l’Europe. Cette nouvelle configuration des enceintes permettra également de rebattre les cartes de la distribution des places occupées de longue date par les associations. À Lens par exemple, il fut un temps à l’ordre du jour de déplacer le kop (actuellement le long de la ligne de touche) derrière les buts, tant que les travaux sont en cours. Rien ne dit que ce type de mesures temporaires ne se transforme en mesures pérennes…
Si les supporters veulent agir, c'est maintenant. Car il y a vraiment peu d'espaces que ces derniers bénéficient d'une fenêtre de tir dans le tumulte qui précédera l'Euro 2016 : le football redeviendra alors une magnifique occasion de consommer aux yeux des médias et une lucrative entreprise en coulisses.
Deux manières d'envisager le football qui semblent bien loin de la conception que s'en font les associations de supporters...