Abordé rapidement ces derniers jours, le rapport d’activité de la saison 2009 – 2010 est passé somme toute inaperçue, ce que l’on peut aisément comprendre tant le pavé semble indigeste. Le Moustache Football Club chausse ses lunettes de comptable pour vous tirer le portrait financier de la Ligue 1, un patient réellement malade ?
LA REALITE DU TERRAIN ET LA REALITE DES COMPTES
Le résultat net affichait-ci contre met en lumière que les clubs qui ont obtenu les meilleurs résultats sportifs ne sont pas forcément ceux qui ont tiré un gain substantiel en terme de bénéfices. Ainsi, Marseille, champion et vainqueur de la Coupe de la Ligue, l’Olympique Lyonnais, second et l’A.J. Auxerre, qualifiée pour la Ligue des Champions présentent des résultats déficitaires. Même constat du côté de la Ligue 2, puisque Arles Avignon, le Stade Brestois ou le SM Caen présentent des pertes pour cet exercice. L’addition est salée et le déficit atteint des records : 130 millions d’euros de manque à gagner pour la Ligue 1 et la Ligue 2. La faute à quoi ?
UN MODELE ECONOMIQUE QUI SEMBLE AVOIR ATTEINT SES LIMITES
Selon la DNCG, ce déficit record s’explique essentiellement par une augmentation plus rapide des salaires que du produit d’exploitation. Pendant que les recettes des clubs font du surplace, les salaires explosent, surtout pour les gros clubs de Ligue 1. Du côté de l’actif, la part des droits TV dans le total du produit reste surreprésenté : 55% des recettes des clubs de Ligue 1 émanent de cette source, lorsque l’Allemagne (31%) et l’Espagne (41%) savent diversifier leurs revenus.
LA REPONSES DE L’UCPF EST-ELLE FIABLE ?
Cette remise en cause du modèle de gestion français a été mal accueillie par l’UCPF, Union des Clubs Professionnels de Football. Selon elle, l’année 2009/2010 n’est qu’un « trou d’air », conséquence de la crise financière qui a pénalisé l’ensemble de l’économie. Baisse du revenu des ménages, donc baisse des recettes billetterie et diminution de l’investissement des entreprises, donc baisse des recettes sponsoring. Voila à quelle simple équation résume t’on du côté de l’UCPF les mauvais chiffres de la saison passée. Le groupement d’intérêt des professionnels du ballon rond va plus loin en affirmant qu’à côté des déficits des membres du big five européen, la France peut passer pour une bonne élève.
Comment lire ce graphique ? A première vue, l’analyse semble donner raison à l’UCPF. Or, L’endettement contracté par les clubs anglais et espagnols s’expliquent en parti par les investissements réalisés sur leur parc de stades, ce qui n’est pas le cas en Ligue 1 actuellement. On comprend alors mieux le « ouf » de soulagement qu’ont poussé certains clubs à l’annonce de l’attribution de l’Euro 2016. Par une habile modification de la loi, les clubs occupant les stades par des baux emphytéotiques pourront également bénéficier des subventions publiques pour rénover leurs enceintes. Une épine de moins dans le pied de clubs tels que le PSG qui pourront ainsi rattraper leur retard sur les autres championnats européens.
QUELS LEVIERS D’ACTION ?
Bien sûr, les deux partis proposent des solutions différentes pour remédier à cette mauvaise passe :
- la DNCG estime que le modèle actuel a fait son temps. Fini les contrats juteux, place à la rigueur et des salaires à des niveaux crédibles. On avait déjà pu constater l’an dernier une réticence des clubs sur le marché des transferts, tendance qui devrait se confirmer encore cette année. C’est au niveau européen, avec la mise en place du fair play financier et le salary cap que la DNCG regarde et du côté de la rénovation et de la construction des stades, qui représenteraient du neuf dans le modèle économique hexagonal.
- l’UCPF pense quant à elle que la solution se trouve dans l’allégement de charges trop importantes, qui pénalisent le football français au regard de ses concurrents européens. Un manque de compétitivité allié à un contexte morose qui explique ces mauvais résultats. Elle s’accorde avec la DNCG pour affirmer que le fair play financier ne sera pas un obstacle pour les clubs français, préparé depuis longtemps à ce type de gestion.
Alors ? Début d’une période de vaches maigres ou simple passage à vide. Un peu des deux finalement et les nouveautés de l’année prochaine ne vont pas améliorer la lecture de ces bilans. Les recettes émergentes des paris en ligne vont apporter une bouffée d’oxygène aux clubs et la limitation de la masse salariale, déjà mise en place l’an dernier, devrait réduire ce poste de charge, parmis les plus importants. Du côté du passif, les clubs qui ont investit dans la rénovation de leurs stades devront patienter pour voir leur investissement devenir bénéficiaire.
Spécifique, le secteur du sport de haut niveau l’est, mais si il y a bien un point sur lequel il est similaire avec chaque secteur économique, c’est celui des conséquences de la rigueur : le salarié est en général le premier à subir les plans d’austérité. On peut alors penser que les principaux perdants de ce constat seront les joueurs eux-mêmes, tant au niveau de leur revenu que dans la facilité à trouver une équipe voulant bien les accueillir. Plus inquiétant, les hommes et femmes de l’ombre qui occupent des postes au sein du club risquent aussi de subir les affres d’un modèle économique qui n’a pas su percevoir ses limites…
Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.
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