Foot et société

Révolution de Printemps pour la Ligue 1 ?
Révolution de Printemps pour la Ligue 1 ?

Mine de rien, le Printemps qui pointe le bout de son nez risque d'être le théatre d'une révolution au sein du football professionnel français. Entre la désignation des 9 stades retenus pour l'Euro 2016, la renégociation des droits TV et la redistribution des cartes concernant la masse salariale, il y a fort à parier que les mois à venir risquent d'être chaotiques pour le football français...



1.DESIGNATION DES 9 STADES POUR L'EURO 2016 : MALHEUR AUX VAINCUS

Après la joie commune de l'ensemble du foot français suite à l'annonce de la victoire de la candidature pour l'Euro 2016, il y a fort à parier que certains tireront la tronche à l'annonce de la désignation des 9 stades qui accueilleront les matchs de la phase finale. Actuellement, 11 villes sont en lice, Strasbourg reste incertain quant à sa présence :

- Saint-Denis (Stade de France)
- Marseille (Vélodrome)
- Lyon (Grand stade OL)
- Paris (Parc des Princes)
- Lille (Grand stade Lille Métropole)
- Lens (Stade Bollaert)
- Bordeaux (nouveau stade)
- St Etienne (Geoffroy Guichard)
- Toulouse (Stadium)
- Nice (Olympic Nice stadium)
- Nancy (Marcel Picot)

De part leur taille et leur capacité d'accueil touristique, Saint-Denis, Marseille, Lyon, Paris et Lille seront forcément présents, Bordeaux, Toulouse et Nice également, par soucis d'équilibre géographique, reste alors une place qui devrait se décider entre Saint-Etienne (la ville bénéficie-t'elle d'un parc hôtellier suffisant?), Lens qui souffre de la proximité du nouveau stade Lillois et d'une situation sportive assez compliquée et Nancy qui, avec 20 000 places (35 000 après rénovation) est l'enceinte la plus petite.

L'importance de cette sélection est capitale car les stades choisis bénéficieront de subventions de la part des collectivités territoriales - y compris dans le cadre de bails emphytéotiques - chose que la loi interdisait jusque là mais qui risque de se voir faciliter suite à la proposition de loi du député UMP Depierre. En clair, un club occupant un stade grace à ce type de bail qui lui accorde un statut de quasi-propriétaire pourra bénéficier d'une partie des deniers publics pour financer son enceinte. Paradoxal lorsqu'on sait que les collectivités locales peinent à trouver des financements suite à la RGPP et la situation de crise économique et - comme le dit Nicolas Ksiss-Martov dans son excellent article - que dans le même temps, le mouvement sportif voit 150m€ disparaître du CNDS, seul fond de financement du sport populaire.

Inspiré par le modèle allemand, le stade devient un enjeu fondamental pour les clubs professionnels. l'enceinte française et les flux de population qu'elle draine un soir de match est une infrastructure peu exploitée, commercialement parlant. L'ambition de chacun est de développer des cellules commerciales et de loisirs permettant aux spectateurs de consommer sur le chemin l'amenant au stade. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique Lyonnais indique qu'actuellement, 15% des recettes sont liées au stade Gerland. Avec le projet OL Land, il espère porter ce chiffre entre 30 et 35%. On comprend alors mieux pourquoi la sélection des stades de l'Euro 2016 facilitera la construction de ces enceintes et leurs exploitations. Réponse le 28 mai prochain.



2. NEGOCIATIONS DES DROITS TV : LA CHASSE AUX PONCIFS EST OUVERTE

Au Printemps prochain se tiendra également le nouvel appel d'offre pour les droits de diffusion appartenant à la LFP et principalement la Ligue 1 pour la période 2012-2016. Alors que depuis 1985, le coût de ces droits de diffusion s'avérait en croissance exponentielle (0.8m€ en 1985, 660m€ en 2007), la LFP va se trouver cette année dans une situation assez embarassante puisque Orange a décidé de ne pas se positionner pour le prochain appel d'offre, laissant, pour l'instant, Canal Plus seul à la table des négociations, ce qui lui permettra certainement de baisser le coût de ces droits.

Sur les plateaux de télévision et de radio, dans les journaux ou sur le net, la guerre des petites phrases a déjà commencé : Canal + revient fréquemment sur le faible niveau de la Ligue 1, sur le manque de spectacles (l'affiche du dimanche soir fut récemment critiquée pour avoir alignée 2 résultats nuls consécutivement...) et, inversement, se pâme sur les grandes affiches européennes qu'elles proposent également. De l'autre côté de l'échiquier, Thiriez ou Aulas (omniprésent ces derniers jours) en position de faiblesse jouent l'apaisement en indiquant que de toutes les façons, Canal + a besoin de la Ligue 1 pour survivre et menacent la chaîne cryptée de s'auto-diffuser par l'intermédiaire de CFoot, nouvelle chaîne de la TNT.

La nouvelle chaîne de la LFP s'avère pour l'instant une pâle réponse à la "grande famille" de Canal + . Actuellement, 2 matchs en décalé de Ligue 2 (le reste en multiplex), la coupe moustache de la ligue et deux matchs en différé de Ligue 1 sont prévus. Bien mince face à l'artillerie lourde de Canal.

Dans chacun des discours réside une part de vérité : on ne voit pas Canal vivre sans la Ligue 1 et on peut comprendre que la chaîne cryptée rechigne à cracher autant d'argent pour un championnat qui apparaît (selon ses dires) moins spectaculaires que les autres membres du Gros Cinq européen. Derrière ces négociations, il y'a aussi toute une remise en question du modèle économique sur lequel est basé le football hexagonal : 57% des revenus émanent de ces droit TV. L'on comprend alors mieux pourquoi la rénovation des stades apparaît comme une porte de sortie qui permettrait aux clubs de ne plus mettre ces oeufs dans le même panier...



3. SALAIRES DES JOUEURS : VERS L'ECLATEMENT DE LA BULLE ?

Finalement, pourquoi ces clubs ont-ils autant besoin de revenus? L'analyse effectuée par Slate montre que 47% des charges d'une entreprise sont dévolues à la rémunération de son personnel, et principalement de ces joueurs.

 

Comme l'indique Jean-Michel Aulas, il y'a fort à parier qu'en période de "vaches maigres" (enfin tout reste relatif...), la masse salariale sera la première à faire les frais de ce serrage de ceinture :

 

"Nous vendrons probablement deux ou trois joueurs à la fin de la saison. Au lieu de 25 joueurs, nous aurions un groupe de 22-23 joueurs. Nous diminuerons l'an prochain notre masse salariale de dix millions d'euros (de 100 millions à 90 millions), alors qu'elle était stable cette année."


Interview du Figaro, 22 février 2011
 

Comme l'avait indiqué Gervais Martel en début de saison, nombre de joueurs risquent de ne pas retrouver de clubs à l'orée de la session 2011/2012. En octobre 2010, ils étaient 163 footballeurs professionnels à chercher un club. Une situation qui risque d'atteindre les 400 joueurs fin juin selon le président Lensois. Il sait de quoi il parle puisque sur ses 26 joueurs pro, 8 d'entre eux ont un contrat qui s'achève en juin 2011.

A l'instar des droits TV, le modèle économique sur lequel est basé la masse salariale des joueurs est à un tournant. La place importante des agents de joueur a conduit à faire de nos footballeurs de véritables produits de spéculation : Aujourd'hui, la commission pour le transfert de l'un d'entre eux s'élève à près de 10%. Un agent de joueurs a donc intérêt à ce que son poulain change souvent de clubs au cours de sa carrière. Malheureusement, il y a fort à parier que cette "bulle spéculative" trouve un terme à la fin de cette saison et que beaucoup de joueurs qui bénéficiaient de salaires mirobolants jusque là soient dans l'obligation de revoir leurs prétentions salariales à la baisse...Qui plus est, une baisse des droits TV exacerberait cette situation déjà tendue.

 



CONCLUSION : VERS UN FOOTBALL FRANCAIS A 2 VITESSES ?

C'est la principale crainte qui agitera les coulisses de la Ligue 1. Quid des clubs ne bénéficiant pas des mêmes aides que ceux dont le stade a été retenu pour l'Euro 2016 ? Quelles conséquences sur la compétitivité du Football français si Canal + réussit à négocier à la baisse les droits de diffusion? Pire, si les protagonistes de cette transaction en viennent au clash, de sombres individus tels qu'Aulas réussirront-ils à tirer leurs épingles du jeu, eux qui souhaitent partager le gâteau en effectif réduit, réduisant la Ligue 1 à 18 clubs et en limitant la part dédiée aux clubs de Ligue 2 (19% des droits TV), quitte à négocier club par club leur droit de retransmission.

Des clubs à 2 vitesses mais également des joueurs à 2 vitesses, puisqu'un éclatement de la bulle spéculative qui entoure la masse salariale de nos favoris en short risquent bien de laisser sur le carreau nombre de joueurs moyens...ou pire, de favoriser le départ vers l'étranger de jeunes en devenir.

Le Printemps 2011 s'avère donc comme un tournant du modèle économique français en matière de football. Certes, il s'avérait jusque là peu compétitif face aux ogres européens mais avait le mérite d'être sain financièrement et d'offrir un profil moins cloisonné que les championnats anglais ou espagnols. Bénéficiant d'un temps d'antenne plus important que ces détracteurs, des individus tels qu'Aulas comprennent qu'il est temps d' avancer ses arguments mettant en valeur un football français élitiste mais compétitif...cela au détriment d'un certain suspense quant à l'issue du championnat. Depuis 2000, le titre a échappé seulement 2 fois au duo Barcelone / Madrid, au profit de Valence.

Dans ce cas de figure, je conseillerai à monsieur Aulas de ne pas jouer le championnat à 18 clubs mais de réfléchir à une formule qui réunirait Paris, Lyon et Marseille. Peu de suspense donc peu de risques. Le paradis des dirigeants d'entreprise. L'enfer des supporters.



 

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Mots-clés: aulas, droits tv, stade, euro 2016, salaire des joueurs, ligue 1


 

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  • Arthur Michel
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  • Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.


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