La ligue 2 française est-elle la meilleure d'Europe ?
Dans son dernier communiqué à l'attention du collectif SOS Ligue 2 qui lui reproche d'avoir cédé aux sirènes de BeIn Sport en acceptant que les matchs se jouent le vendredi à 18h45, Frédéric Thiriez clame haut et fort que la Ligue 2 française est la meilleure d'Europe. Une phrase qui a retenu toute notre attention et qui nous interpelle : comment comparer objectivement les antichambres européennes puisqu'il est rare que les clubs de seconde division se rencontrent ? Le Moustache FC est parti à la pêche aux informations pour tenter de vérifier les dires de notre illustre moustachu.
Dans son dernier communiqué à l'attention du collectif SOS Ligue 2 qui lui reproche d'avoir cédé aux sirènes de BeIn Sport en acceptant que les matchs se jouent le vendredi à 18h45, Frédéric Thiriez clame haut et fort que la Ligue 2 française est la meilleure d'Europe. Une phrase qui a retenu toute notre attention et qui nous interpelle : comment comparer objectivement les antichambres européennes puisqu'il est rare que les clubs de seconde division se rencontrent ? Le Moustache FC est parti à la pêche aux informations pour tenter de vérifier les dires de notre illustre moustachu.
25% des clubs de Ligue 2 de cette saison ont passé plus de la moitié de la dernière décennie en première division
Il faut d'abord entreprendre une typologie des clubs présents dans ces divisions. Nous n'avons retenu que les principaux championnats : France, Allemagne (Bundesliga.2), Angleterre (Npower Championship), Espagne (Liga Adelante Segunda Division) et Italie (Série B).
L'une des premières données statistiques a analysé pour comparer ces équipes qui ne s'affrontent jamais, c'est donc de déterminer leur importance dans leurs fédérations respectives. Le graphique ci-dessous analyse donc le nombre de saisons réalisées en première division lors de ces dix dernières années par les clubs de seconde division de cette saison 2012-2013.
Répartition des clubs de seconde division 2012-2013 selon le nombre de saisons passées en première division au cours de la dernière décennie
* ne sont pas pris en compte les équipes B (ex: Barcelona B) qui ne peuvent pas monter en première division
Que constate-t'on à l'aide ce graphique ? Tout d'abord que la Ligue 2 possède la part la moins importante de clubs n'ayant pas séjourné en Ligue 1 lors des dix dernières années. 40% des clubs présents cette année (soit 8 équipes sur 20) n'ont pas participé une seule fois à la Ligue 1 lors de la décennie écoulée. Hormis le NPower Championship anglais (42%, soit 10 des 24 clubs présents cette année), les "échanges" entre première et seconde division sont moins importants dans les autres divisions européennes. Plus de la moitié des clubs allemands, italiens ou espagnols présents en seconde division cette année n'ont aucune saison de première division à leur actif lors des dix dernières années.
Si l'on s'attarde sur les équipes qui ont passé plus de temps en première division qu'en seconde lors des dix dernières années, la Ligue 2 renforce encore plus sa spécificité. 25 % des clubs (soit 5 clubs sur 20) ont à leur actif au moins 6 saisons de Ligue 1 lors de ces dix dernières années. C'est légèrement supérieur à la Bundesliga.2 (23%) et largement plus que le Npower Championship (16%), la Segunda division (10%) et la Série B (10%).
Comment expliquer cette particularité française ? Il y a d'abord le format de compétition pour la Bundesliga.2, le troisième affronte le 16e de la Bundesliga.1 lors d'un tour de barrage, ce qui réduit le nombre d'équipes qualifiées automatiquement à l'issue de la saison de seconde division. Pour le championnat anglais, italien et espagnol, un "playoff" a lieu entre le 3e,4e,5e et 6e de seconde division pour déterminer qui sera la troisième équipe a monté en première division. Ce sont ces barrages qui expliquent certainement la particularité française. En réduisant les chances d'une élimination directe d'un cador n'ayant pas terminé à la troisième place de la saison, ce type de mini-tournoi clotûrant la saison favorise probablement les équipes disposant de davantage de moyens et plus habituées à ce genre de joutes capitales. Pour exemple, la Sampdoria, remontée cette année en Série A n'a fini la saison dernière qu'en sixième position...L'expérience de l'effectif a peut être joué dans cette promotion.
Des clubs de Ligue 2 française meilleurs en coupe nationale que les autres clubs
La seconde donnée qui permet de comparer le potentiel des clubs de seconde division, c'est de prendre conscience de leurs forces lorsqu'ils affrontent directement les clubs de première division. Chacune des coupes nationales permet d'effectuer cette comparaison puisque c'est l'occasion pour les deux divisions de se rencontrer. Nous avons laissé de côté la coupe de la Ligue puisque celle-ci n'est pas présente dans l'ensemble des championnats analysés et nous nous sommes attardés sur les Coupes nationales. Les équipes de première division des cinq championnats majeurs entrent en compétition lors des 1/32e de finale.
Le graphique suivant analyse deux données ; tout d'abord les résultats des confrontations directes entre première et seconde division et le nombre de clubs de seconde division présents en quart de finales lors des cinq dernières éditions des coupes nationales de chaque fédération.
À ce petit jeu de la confrontation directe, c'est la Bundesliga.2 qui semble le mieux s'en sortir. 40% des rencontres L1-L2 se sont soldées par une victoire d'un club de seconde division. 12 équipes de l'antichambre ont au moins atteint les quart de finales. Derrière, l'on retrouve la Ligue 2 puisque 42% des confrontations L1-L2 se sont soldées par une victoire de la Ligue 2. 7 équipes du niveau inférieur ont réussi à se qualifier pour les 1/4 de finale au moins, voire à gagner la compétition comme ce fut le cas pour l'En Avant Guingamp en 2008-2009.
Derrière, les championnats de secondes divisions italienne, espagnole et anglaise ne font pas le poids face aux poids lourds des premières divisions. 20% des équipes anglaises et italiennes de seconde division réussissent à se défaire de l'obstacle de première division qui leurs font face, 24% pour les équipes de Liga Adelante. Pire, la Série B italienne n'a pas réussi à placer l'un de ses clubs en quart de finale de la Coupe d'Italie depuis cinq ans.
Si globalement, ces équipes interviennent aux alentours des 1/32e de finale, les spécificités de chaque coupe influe sur les résultats des clubs de seconde division.
En France, les clubs de Ligue 2 interviennent dès les 1/64e de finale de la Coupe de France. La possibilité d'affronter des clubs des divisions inférieures tout au long de la compétition peut expliquer leur réussite.
En Angleterre, La première et seconde division entrent en lice ensemble lors des 1/32e de finale, soit 44 nouvelles équipes entrant dans la compétition, seules 20 "survivantes" ont le privilège de les affronter. Les chances d'affronter un "petit" club est donc plus restreinte et peut expliquer ce faible taux de réussite face à une équipe de Premier League.
En Allemagne, la DFB-Kopal est plus proche de la Coupe de la Ligue que de la Coupe de France. 64 équipes s'affrontent, l'ensemble des équipes de Bundesliga.1 et Bundesliga.2, les quatre meilleures de 3.Liga l'année précédente et les 24 meilleures équipes des coupes régionales.
En Espagne, la Copa del Rey oppose également les clubs professionnels de Segunda A, de Segunda B et les 18 champions de la Tercera Division. Les clubs de seconde division interviennent dès les 1/64e de finale, un tour avant la Liga BBVA. Statistiquement, ils abordent donc les 1/32e de finale avec moins de clubs que les autres seconde divisions européennes.
Enfin, en Italie, la Coppa Italia offre peu de chances aux clubs de Série B qui interviennent très tôt dans la compétition. Les douze clubs de Série A les moins bien classés l'année précédente entrent en lice le tour suivant, les huit restants, lors des huitièmes de finale...
Une Ligue 2 française plus performante...grace au faible niveau de la Ligue 1 ?
Aux regards de ces deux statistiques, la Ligue 2 française semble se démarquer clairement de ces concurrentes européennes. L'affirmation de Frédéric Thiriez ne semble donc pas dénuée de pertinence (oui, je sais, ça vous fait mal de lire ceci).
Si la Ligue 2 nous semble aussi relevée, c'est également car une partie de son effectif est composée d'anciennes gloires de la Ligue 1 : Auxerre, Monaco, Lens et Nantes furent des clubs habitués à truster les places européennes il y a moins de 10 ans...L'on pourrait rajouter Metz et Strasbourg, à l'échelon inférieur. Derrière, il y a également de nombreux clubs tels que Le Havre, Caen ou Le Mans qui ont souvent fait le yoyo entre L1 et L2. Toutes ces équipes offrent forcément une forte teinte "Ligue 1" à la Ligue 2. S'agit-il d'un cycle ? D'une particularité statistique qui veut que nombreux clubs prestigieux se retrouvent dans l'antichambre de l'élite ? Où s'agit-il vraiment d'une évolution du football français qui conduit les clubs qui n'ont pas su prendre le virage d'une gestion moderne de ces structures à disparaître purement et simplement du paysage du ballon rond ?
Les performances des clubs de Ligue 2 en coupe nationale démontrent surtout que ce qui fait la force de cette seconde division à la Française, c'est l'ensemble de l'organisation du football professionnel français. Si les clubs de Ligue 2 fréquentent plus souvent la première division, c'est grace à deux points :
- le format classique de la compétition (3 promus à l'issu du championnat, pas de barrages) qui évite à un club moyen de Ligue 2 qui fait une très bonne saison de ne pas être éliminé de la course à la montée lors d'un seul match de barrage. Ce format classique est également vrai pour la Coupe de France. Les formules alambiquées des autres coupes montrent qu'elles sont au profit des gros clubs.
- la répartition des droits TV et une fois de plus, je rejoins Frédéric Thiriez (deux fois dans le même article, mes yeux saignent) car c'est le versement d'une partie du pécule de la diffusion de la Ligue 1 en direction des clubs de Ligue 2 qui permet jusqu'à aujourd'hui d'avoir des clubs de Ligue 2 compétitifs.
Ce dynamisme de l'antichambre de l'élite influence la spécificité du football professionnel français. La Ligue 1 bénéficie donc d'un fort turnover au profit d'une certaine homogénéité...mais au détriment de sa compétitivité au niveau européen.