Si il n'y avait pas un lien affectif qui m'unit à ce sport et qui renvoie à une représentation d'un corpus de valeurs, réelles, inventées ou exagérées (telles que l'abnégation, la solidarité ou l'intensité émotionnelle inégalée), je détesterais le football. La saison 2010/2011 qui vient de se terminer est l'occasion de faire un bilan qui me conforte dans la position que le football professionnel se situe au dessus des lois et bénéficie d'une certaine impunité. Entre collusion, chasse à la pensée qualifiée de « naïve », dérive xénophobe et coup de balai sur certains dossiers gênants, l'année écoulée fut l'occasion d'offrir du grain à moudre aux détracteurs du « people's game ».
MALADRESSE SEMANTIQUE DE LA FFF CONTRE PROPOS IMPARDONNABLES DE CES ABRUTIS DES TRIBUNES
Les faits, tout le monde les connaît. Un verbatim d'une réunion regroupant les DTN de la Fédération Française de Football où Blanquart et Blanc débattent à bâtons rompus du problème de la binationalité. Des propos d'abord démentis par le sélectionneur avant de se voir exposer les preuves sous le nez, un graphique qui surgit démontrant que l'idée de la réunion avait eu des suites, Chantal Jouanno qui s'empare du dossier et des sanctions molles pour les principaux acteurs de ce feuilleton. Un débat qui vient s' inscrire en plein cœur des réflexions menées par le gouvernement concernant la laïcité et qui vient une fois de plus stigmatiser une partie de la population française, principalement d'origine maghrébine et africaine.
Si les principaux intéressés échappent pour l'instant à une sanction pénale (le CRAN ayant porté plainte) et malgré ce qu'indiquait Chantal Jouanno, la seule existence de ce graphique justifiait des sanctions. La Constitution interdisant l'existence de statistiques ethniques. En 2007, le conseil constitutionnel avait déclaré la « loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et l'asile » contraire à la Constitution car l'Article 63 car celui-ci faisait apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques d'une personne.
Selon un sondage de BVA et 20 minutes, 71% des Français ne souhaitent pas le départ de Laurent Blanc. Une forme de xénophobie organisée par les plus hautes instance du football français qui s'oppose à la volonté de chasser toutes formes de violence hors des stades. [VOIR NOTRE ARTICLE] et qui se voit doter d'un arsenal législatif exagérément répressif à l'encontre des supporters de football avec la promulgation de la LOPPSI 2 [voir l'article de So Foot]. En un an, la France du football réussit donc à criminaliser toutes formes de supportérisme (violent et non violent) tout en banalisant des propos ségrégationnistes au sein de ses bureaux de l'avenue Iena. Une perception de la justice pour tous très loin des fondements initiaux de la République...
ARBITRE DE FOOT : ON N'A PAS LE MEME MAILLOT, NI LE MEME DROIT AU RESPECT
Comme chaque année, l'on a eu droit à une stigmatisation du corps arbitral et à bons nombres de polémiques : nécessité d'introduire la vidéo dans le jeu, mauvaise foi des hommes en noir, garants des règles du jeu physiquement dépassés, autant de charges qui apparaissent redondantes à chaque saison. Sauf que cette année, le clivage entre les arbitres et le reste de la grande famille du football a pris une dimension supérieure : début mars, le SAFE (syndicat des arbitres) souhaitent retarder de quelques minutes le début de chaque rencontre afin de symboliser leur ras-le-bol concernant la vindicte menée contre leur profession, à la fois par les présidents de clubs [voir notre article] ou les médias [voir notre article] . Une opération de sensibilisation modérée qui va subitement se voir tacler par la Fédération Française de Football elle-même, en suspendant l'ensemble des arbitres prévus pour cette journée de championnat et qui les remplace manu militari par des hommes en noir de niveau fédéral. Une réponse disproportionnée de la part de la FFF qui, en agissant de la sorte, lâche une partie de ses composantes, valide les accusations à leurs égards et piétine la dernière once de crédibilité des hommes en noir. Une décision qui sonne surtout comme une volonté de ne pas perturber la diffusion des matchs de Ligue 1, à un moment crucial de l'année où la négociation des droits TV va s'ouvrir...[voir notre article]
Insultés et désavoués de la sorte, on entendra plus les arbitres se plaindre de la saison. Une situation affligeante qui interpelle : Comment faire respecter les règles du jeu si son garant ne justifie plus d' aucune légitimité ? Pire, quelle image pour le football amateur ? Les violences à l'égard des hommes en noir sont légions sur les sites d'informations [lire ici la dernière en date] car si un Thual ou Chapron bénéficient de la protection d'un service d'ordre pouvant leurs éviter d'être pris à partie, de quelle sécurité bénéficie l'amateur qui se propose le dimanche matin ? Encore une fois, la Fédération réussit à prendre une décision au niveau professionnel qui peut avoir des conséquences très fâcheuses au niveau amateur. Mais qu'importe, pour faire plaisir à ses parternaires médiatiques, on n'est pas à un fait-divers près...
EURO 2016 : FACILITER LES DEMARCHES ADMINISTRATIVES AU DÉTRIMENT DE LA LOGIQUE ENVIRONNEMENTALE ET LOCALE
C'est un joli cadeau qu'ont fait les députés à Lens, Paris et Nancy. Trois stades retenus pour l'Euro 2016 et qui ont la spécificité d'être des stades gérés par des baux emphytéotiques, c'est à dire que les clubs louent le stade, pour une durée de 50 à 99 ans, sans que celui-ci ne leurs appartiennent. Jusqu'à la promulgation de la loi Depierre en mars 2011, les propriétaires du bail ne pouvaient bénéficier d'aides publiques. Contrainte résolue qui permettra à l'état et aux collectivités locales de financer en partie les rénovations des enceintes, alors que celles-ci sont gérées par des entreprises privées. Une situation législative ubuesque qui va forcer les contribuables à mettre la main à la poche pour favoriser trois clubs du championnat français...
Dans le même temps, O.L. Land, projet faramineux de Jean-Michel Aulas se voit accorder le statut d'intérêt général, lui permettant de faire fit des contraintes de réglementations en matière d'aménagement, cela même alors que les études d'impact menées ont démontré que le projet privé du président le plus hautain de ligue 1 n'était pas viable écologiquement et urbanistiquement parlant. [voir notre article]. Une décision politique au niveau national qui va nuire au niveau local mais Jean-Michel Aulas a su se faire plus entendre que quelques habitants récalcitrants. Rajoutons à cela une enveloppe de 20 millions d'euros pour un projet privé et l'on nage en plein surréalisme.
DOPAGE DANS LE FOOTBALL : A QUAND LA PIQURE DE RAPPEL ?
Alors que le cyclisme, l'athlétisme ou le ski sont sujets à de sérieuses critiques et remises en question quant aux performances de leurs athlètes, le football semble ne pas être concerné par les problèmes de dopage organisé. En 2009, Michel Platini s'était déclaré opposé au contrôle de localisation organisé par l'AMA (Agence Mondiale Antidopage) qui oblige les athlètes à délivrer leurs disponibilités pour un contrôle, cela 3 mois à l'avance, 365 jours sur 365. Et pourtant....
En novembre 2010, le docteur Jean Pierre de Mondenard publie « Dopage dans le football, la loi du silence » indiquant que le football est le sport le plus inactif dans la lutte contre le dopage. Patrick Mendelwistch, agent agréé de la FIFA parle de 3S : Secret, Silence et Solidarité. Une saison 2010-2011 qui voit la fin de carrière d'un des joueurs dont la suspicion est la plus élevée en la personne de Ronaldo : victime à trois reprises d'une rupture du tendon rotulien du genou gauche au cours de sa carrière, un traumatisme particulièrement rare et qui peut se justifier par la prise de produits illicites qui ont favoriser à chaque fois une reprise trop rapide. Enzo Palladini reprend les propos du docteur brésilien Santi qui indique dans la biographie non officielle d'Il Fenomeno « la peur de l'obscurité » que la prise de stéroïdes ont partiellement provoqué des lésions sur ses organes.
Un commentaire qui provoquera son renvoi de la Confédération Brésilienne de Football alors qu'il était chargé de lutter contre le dopage !
En décembre, Eufemenio Fuentes, médecin inculpé lors que l'affaire Puerto en 2006, indique à un de ses compagnons de cellule que si il parle, les champions du monde et champions d'Europe espagnols tomberont. Des suspicions qui pèsent sur la péninsule ibérique et qui interpellent tant leurs sportifs dominent : Cyclisme, football, tennis...
Au final, les révélations de dopage au cours d'une saison se compte sur les doigts d'une main (on peut parler de Kolo Touré, de Manchester City qui a vu sa sanction diminuée à 6 mois...car il avait pris un produit amincissant de sa femme sans prendre garde). Une situation vraiment surprenante lorsqu'on sait que les intérêts économiques de ce sport dépassent de très loin ceux des autres disciplines.
Comment ne pas se mettre à détester le football après une année qui aura démontrer qu'il se trouve au dessus des lois que le citoyen lambda se doit de respecter ? Quel regard faut-il porter sur notre passion alors que ses dérives s'accentuent ? A ce sujet, l'exemple du Racing Club de Lens est éloquent : les supporters ne chantent que pour leurs couleurs, non plus pour leur équipe ou pour leurs joueurs, dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. Les valeurs recherchées (abnégation, solidarité) n'étant plus présentes, le supportérisme se suffit alors à lui-même : le regroupement associatif est un moment de fête où le match de football devient accessoire. Un décalage entre football professionnel et supporters qui explique également l'émergence du mouvement ultra, qui se veut garant (maladroit) de l'histoire et des valeurs d'un club. Comme l'indique Pascal Boniface dans « La terre est ronde comme un ballon » la logique de marché risque de tuer le marché. En ne prenant pas conscience que l'intérêt économique tue l'engouement populaire et -même- la logique sportive [voir notre article], le football risque de perdre tout intérêt de se tirer une balle dans le pied. Mais cette fois-ci, elle ne risque pas d'être en cuir...
Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.
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