L'OL Land de Jean-Michel Aulas semble au point mort, la faute à une opposition locale farouche et aux "lourdeurs" des démarches administratives des procédures d'aménagement du territoire. Le Moustache Football Club se propose un retour en arrière des relations politiques qu'entretient le président de l'Olympique Lyonnais mais également des dessous de ce conflit qui oppose intérêt local et intérêt général.
LE FOOTBALL, NOUVELLE VITRINE LYONNAISE
Il est difficile de croire que Lyon soit une ville de football. Roger Rocher, président des verts dit un jour "qu’en matière de football, Lyon est dans la banlieue de Saint-Etienne". Plus pour longtemps mais il est vrai que politique et football n’ont pas fait bon ménage à Lyon. Edouard Herriot, Pradel, Raymond Barre, tous ont méprisé ce sport (1) . Il faudra attendre le maire UDF Francisque Collomb pour voir les premiers embryons de soutien.
Retracer les accointances qui lient Jean-Michel Aulas et le monde politique lyonnais, c’est prendre connaissance de bonnes surprises : celle qui veut que Jean-Michel Aulas ou Gérard Collomb ne sont pas, initialement, de vrais fans de football. Le président de l’OL était plus féru de handball, et le député-maire de Lyon de rugby. C’est en 1987 que le jeune président de la société CEGID, start-up flamboyante de la banlieue lyonnaise présente son projet de reprise de l’Olympique Lyonnais, alors au fond du trou. C’est le maire homonyme de l’époque, Francisque Collomb (UDF, aucun lien de parenté avec Gérard) qui va mettre le pied à l’étrier du jeune entrepreneur. Plébiscité, le conseil municipal lui accorde une double subvention.
C’est André Soulier, 1er adjoint au maire de l’époque et aujourd’hui avocat de l’OL qui se présente comme le grand instigateur de l’arrivée d’Aulas au club. A l’époque, Michel Noir, dans l’opposition, qui vient de perdre la mairie en 1983 s’oppose à la remise des comptes à l’équilibre par la mairie. Une fois encore, Jean Michel Aulas, très bon orateur convainc son monde : L’OL sera de retour dans les 5 ans en Ligue 1, en Ligue des Champions en 10 ans et champion de France dans 15 ans. Madame Irma. Fin des années 80, la mairie signe une subvention exceptionnelle de 20 millions d’euros pour aider le club à remonter en Ligue 1.
Par le plus pur des hasards, l’avènement lyonnais dans le football français se fait parallèlement à l’arrivée de Gérard Collomb à la mairie. Surfant sur une vague de succès de près de 7 ans, il ne peut négliger l’impact qu’a l’OL sur l’agglomération lyonnaise. Son union avec JMA, c’est celle d’un mariage de raison entre un élu de gauche et un entrepreneur libéral. Jean-Michel Aulas sait ce qu’il doit à la mairie de Lyon et inversement, Gérard Collomb ne peut pas vendre sa ville sans le dynamisme et la réussite de son club de football.
INTERET GENERAL OU INTEREL LOCAL ?
Nous venons de le voir, Jean-Michel Aulas, sous ses airs de prêcheur libéral, bénéficie tout de même du soutien du maire PS de Lyon. À Lyon, l’influence d’Aulas est telle que chaque bord politique tente de le récupérer. Le problème que connaît aujourd’hui OL Land est celui que connaît toute construction de grand équipement : concilier intérêts général et local.
Le projet OL Land consiste à implanter un immense complexe sportif sur 50 hectares de réserve foncière de la commune de Décines à 15 km vers l'est lyonnais. OL Land comprendrait le nouveau stade de 60 000 places, le centre d’entraînement de l’équipe professionnelle, les bureaux du siège d’OL Groupe, une boutique OL Stade, 7 000 places de stationnement, plusieurs équipements de loisirs et de divertissements dont cent cinquante chambres d’hôtel et 8 000 mètres carrés d’immeubles de bureaux. Finalement, bien plus qu’un simple stade de football destiné aux footballeurs professionnels, il s’agit d’une mégapole d’affaires construites. Le stade n'occuperait que 5 hectares.
Les déboires que connaît actuellement JMA sont d’ordres administratifs : le Plan Local d’Urbanisme ( PLU) de la ville de Décines, lieu d’implantation du nouveau stade est un document visant à planifier l’aménagement et l’organisation territoriale d’une commune. Chaque quartier de la commune est « quadrillée » par le Plan d’Occupation des Sols (POS) qui vise à réglementer les différentes constructions (par exemple, un POS peut très bien indiquer que dans un quartier, telle construction ne peut être construit au-delà de telle hauteur, afin d’harmoniser le contexte architectural). Un équipement de la taille de OL Land modifierait fortement la nature même du PLU de la commune de Décines. Son implantation nécessite donc au préalable une révision du PLU, démarche lourde et qui nécessite de reprendre l’ensemble de procédure d’élaboration d’un PLU :
- délibération
- études et concertations
- enquête publique
- promulgation
En tout, cette procédure nécessaire pour juger de l’intérêt d’un projet prend au minimum 2 ans. Un délai qui doit sembler extrêmement long pour Jean-Michel Aulas…Surtout lorsque le projet ne fait pas l’unanimité : En 2009, la procédure de révision du PLU est annulée par la cour administrative d’appel. En mai 2010, l’enquête publique rend un avis très défavorable au projet du président de l’OL. 3 communes décident de ne pas voter le principe « d’intérêt général », procédure permettant de faciliter la réalisation d’un aménagement en le jugeant d’utilité publique. Or, comment juger un stade d’utilité publique lorsque cette infrastructure sera réalisée avec des fonds privés ? Là encore, point de bisbille politique puisque les 3 élus refusant cette notion sont apparentés UMP, Les verts et PS.
UN EQUIPEMENT COUTEUX
Quelles sont les critiques des opposants à OL Land ? Son coût tout d’abord : 240 millions d’euros alors que la rénovation de Gerland n’en coûte que 25 millions selon Etienne Tête (Les Verts).
Ses conséquences environnementales ensuite. Il est vrai que ce projet est dit « ex-nihilo », une création qui sort de terre, au milieu des champs, loin des considérations urbaines actuelles qui souhaitent avant tout limiter l’étalement urbain et qui favorisent la construction de la ville sur elle-même.
En terme d’accessibilité également, ce projet interroge : il nécessite la construction d’un réseau routier au gabarit suffisamment important pour favoriser l’accès au stade et la création ou l’extension du réseau de transport en commun. En somme, il y a la construction du stade et des abords du stade. Si le coût de construction du stade s’élèvera à 240 millions, l’aménagement des accès en coûtera 200 millions supplémentaires selon l’association « Carton Rouge » qui dénonce ce projet.
Enfin, en terme de commerces, la création des équipements de loisirs peut pénaliser l’attractivité du commerce en centre-ville.
SOUTIEN NATIONAL CONTRE MOBILISATION LOCALE
Au niveau local, les principaux intéressés que sont les habitants de Décines et des environs voient forcément ce stade d’un mauvais œil. Nuisances sonores, difficultés de circulation les soirs de match, coût…sur le net, l’association carton rouge à OL Land concentre une partie des griefs et appellent les habitants à se déplacer en masse aux enquêtes publiques pour faire part de leurs désapprobations. Une partie des « Gones », supporters lyonnais privilégient également la voie de la rénovation de Gerland.
Malheureusement pour eux, mis à part sur Internet et au niveau local, ils se font peu entendre en comparaison avec la puissance médiatique de l’influent Jean-Michel Aulas ou d’un député Gérard Collomb. Surtout lorsque leur combat est récupéré à des fins politiciennes : Chantal Jouanno, qui s’illustre souvent par sa médiocrité et ses avis tranchés à la truelle . Influent dans les hautes sphères de l’état, le président Aulas l’est. C’est lui qu’est venu voir Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007 et non son club de cœur, le PSG.
Nous l’avons vu il y a quelques mois, en terme d’ingérence, Chantal Jouanno s’y connaît. Au détriment des enquêtes publiques en cours, elle apporte son soutien au projet OL Land, indiquant ce jeudi 21 avril que l’état apportera sa petite contribution de 20 millions d’euros, petit cadeau d’amis de la part des contribuables français, rappelons-le.
Qui plus est, la sélection des 8 stades n’est pas encore déterminée par la FFF, mais sa ministre de tutelle semble déjà convaincue que Lyon doit être choisi. Un nouveau cas d’ingérence ? Dans son apologie de ce projet, elle en profite également pour tackler Gérard Collomb, député-mair de Lyon qui soutient Jean Michel Aulas sur ce projet mais adversaire politique de la ministre…On ne se refait pas. Même son de cloche du côté de Michel Platini qui juge inenvisageable que la 3e agglomération de France ne dispose pas d’un stade à l’Euro 2016.
Bref, à défaut d’un stade rutilant, Jean Michel Aulas bénéficie de soutien d’envergure…
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(1) voir le très bon article du blog A la culotte qui relate l'histoire du football lyonnais : ICI
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Egalement, nous vous invitons à écouter ce reportage de deux reporters d'Arte Radio, qui ont rencontré les différents protagonistes de ce projet : [ICI]
Urbaniste maudit, passionné des phénomènes sociaux qui gravitent autour du foot, il est le dernier fan en vie du 4-2-4.
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Denis
22 Septembre 2011
Bravo pour cet article, Mr-Moustache !!!