Le trône de fer de Lens
Interdit de monter en Ligue 1, le club du Racing Club de Lens, limité des années durant par une situation financière pourrie, connait aujourd hui un conflit de gouvernance qui pourrait bien coûter sa place au président historique Gervais Martel.
Qu'il est loin le temps de l'union sacré de la saison écoulée. Un subtil exercice de communication que sont ces images de supporters de nouveau derrière leur club et leur président historique, Gervais Martel. Le dirigeant repenti après des erreurs de gestion et d'entourage qui ont conduit le club dans l'antichambre de la Ligue 1 revient avec un nouveau partenaire azéri, milliardaire de son état et prêt à faire du Racing un club à l'échelle du PSG ou de Monaco.
Martel l'équilibriste
Une fois la promotion en Ligue 1 acquise sur le terrain et dans la douleur, les nombreux chantiers de la saison suivante pouvaient débuter. A commencer par celui du stade qui accueillera le Racing pour la saison 2014/2015. Le LOSC et VAFC ont refusé de partager leur pelouse, reste le stadium de Villeneuve d'Ascq, sujet de nombreuses moqueries des années durant de la part des supporters lensois pour avoir héberger l'ennemi lillois.
Oui mais voilà, ce n'est pas ce dossier - le plus compliqué sur le papier - qui va faire les choux gras de l'été artésien. Malgré la promesse de lendemains qui chantent, le Racing se trouve aujourd'hui dans une situation particulièrement délicate. Un flou qui a conduit la DNCG à confirmé la décision prise dans un premier temps : le RC Lens ne jouera pas en Ligue 1 cette saison. La faute à l'absence de 10 millions d'euros pourtant promis par Martel et son investisseur.
Le rappel historique de ces dernières semaines est édifiant : premier refus de la DNCG le 18 juin pour une absence de 10m€ sur les 48 prévus par Gervais Martel. Antoine Kombouaré refuse de revenir au club le temps que la DNCG n'a pas validé la montée en Ligue 1, Mammadov se pourfend d'une tribune dans L'Equipe afin de remettre en cause le management du club, Martel indique que le virement des 10m€ a pris du retard à cause de la fête nationale de la Grande Armée en Azerbaïdjan (sic) puis pour une erreur d'IBAN (même plus sic, carrément lol).
On vous laisse vous délecter de ce scénario ubuesque chez nos amis de Teamfoot : http://www.teamfoot.fr/articles/548387/gervais-martel-nous-mene-t-il-en-bateau
Le trône de Fer de Lens
Difficile de savoir ce qui se trame réellement en coulisses. Martel est le seul qui communique. Mammadov comme à son habitude est particulièrement discret. Sa sortie dans le numéro un des quotidiens sportifs est un cas aussi rare qu'inattendu. Et donc inquiétant.
Y’a-t-il bisbille entre Martel et Mammadov ? Beaucoup s’accordent à penser qu’en injectant massivement, Mammadov accaparerait suffisamment de parts et évincerait Martel de la direction. Actuellement ce dernier dispose de 30% des parts du club, suffisant pour disposer d'un droit de veto.
La volonté de Martel de restreindre l'investissement de Mammadov explique en partie le comportement saugrenu du coach Antoine Kombouaré. Ce dernier refuse de reprendre l'entraînement le temps que le club n'a pas été confirmé en L1. Décision peu professionnelle qui laisse à penser que AK tend à soutenir le projet ambitieux de Mammadov plutôt que la vision pragmatique de Martel. L’ancien coach parisien ne s’est jamais caché de ses ambitions par ailleurs.
Cette hypothèse de guerre des clans prend également du sens lorsqu'on s'interroge sur l'objectif de la sortie médiatique de Mammadov, une manière de contre-attaquer pour l’Azéri quand Martel accapare les principaux médias régionaux qui sont contraints de communiquer uniquement sur le club via les déclarations officiels sous peine de représailles.
Dans le cas où cette hypothèse de conflit interne s'avère, Gervais Martel serait-il donc prêt à couler avec son navire et son équipage pour éviter de se faire évincer ? Probablement pas. L'histoire s'apparente ici à une longue partie de poker menteur. Au cours de sa dernière intervention, Martel affirmait avoir reçu l'ordre de virement mais les fonds ne semblaient pas arrivés. Une manière subtile de coller la pression à Mammadov en déclarant à la plèbe qu'il a fait ce qu'il fallait et que ce n'est plus de son ressort. Dernier recours possible auprès du CNOSF, cette semaine devrait donc voir Mammadov lâcher ces pauvres 10 millions d'euros pour éviter de redescendre en Ligue 2. On peut également estimer que les instances dirigeantes de la Ligue ne de priveront pas d'un Racing club de Lens qui offre plus de prestige qu'Ajaccio, voire Sochaux.
Cependant, dans quelles conditions va se présenter l'équipe au coup d'envoi du premier match ? La préparation a démarré sans entraîneur, sans recrues et sans savoir où le premier match à domicile se tiendrait. Une stratégie suicidaire de la part de Martel qui impactera certainement la saison des Sang et Or. Et quid de l'intersaison 2015-2016 ?
Enfin, ce qui semble le plus inquiétant dans cette affaire concerne la communication médiatique agressive du Racing. Martel ne dit rien, procrastine sur tous les sujets, avant de se prendre les pieds dans le tapis : la promesse des 10m€ manquants remonte à début juin et rien n’a avancé depuis cette date. Soucieux de préserver ce qu'il reste de ses relations avec Mammadov et obligé de ne pas compromettre ses propres intérêts, sa communication s’avère de plus en plus bancale et la situation de moins en moins professionnelle.
Contraint de ne rien laisser fuiter sur ce qui se trame en coulisses, le Racing Club de Lens cadenasse l’ensemble de sa communication. Pas plus tard qu’hier, le club a refusé l'entrée de la conférence de presse au site Lensois.com, principal média indépendant sur le RCL car ces derniers avaient relayé l'information de L'Equipe 21 (“Martel débarqué par Mammadov ?”) sans prévenir le club…
Dernier grand président de club à l’image paternaliste, Gervais Martel est donc en train de ruiner son image sympathique déjà écornée par deux relégations en cinq ans qui ont démontré son incapacité à correctement s’entourer. Une bête blessée obligée de se montrer agressive à l'égard de quiconque s’approcherait trop près.
En somme, il s’agit probablement d’ultimes grognements qui s’apparentent de plus en plus à un chant du cygne...