La stratégie du choc version Leproux 1e partie
Ce week-end, le PSG se déplaçait au Parc des Sports d’Avignon afin de rencontrer l’ACAA. Une fois de plus, les supporters parisiens viennent fleurir les colonnes des faits-divers en se faisant interpeller alors qu’un arrêté municipal interdisait leur présence autour et à l’intérieur du stade. La « pacification » des tribunes du Parc ambitionnée par Leproux gagne les communes de province sur des accents nauséabonds et liberticides. Retour sur un stratagème qui n’a aucune autre ambition que de transformer le supporter en consommateur d’entertainment sportif.
En 2007, Naomi Klein, déjà auteur de « No Logo », s’essaye à l’analyse altermondialiste en publiant « La Stratégie du Choc, la montée du capitalisme du désastre ».
Sa thèse s’appuie sur les travaux psychologiques effectués par le docteur Cameron visant à détruire la personnalité d’un sujet en lui administrant une série de choc (médicamenteux ou électriques) afin d’obtenir une « page blanche » sur laquelle l’on pourrait dessiner les ébauches d’une nouvelle personnalité.
La journaliste canadienne soutient que de la même manière, les chantres du capitalisme (et plus particulièrement l’école de Chicago de Milton Friedman) s’appuient sur des désastres plus ou moins volontaires (renversement de régimes, catastrophes naturelles tels le tsunami d’Asie du Sud Est en 2005 ou l’ouragan Katrina de la Nouvelle-Orléans, ou peur du terrorisme) pour imposer des réformes économiques qui ne seraient pas possibles en temps de crise.
Il apparaît intéressant de mettre en parallèle cette thèse et le plan « Tous PSG » de Robin Leproux tel qu’il est appliqué depuis mai 2010.
1. Le choc : la mort de Yann L. en février 2010
Dans le collimateur du club et des instances gouvernementales depuis plusieurs mois déjà (la mort d’un supporter lors de la réception de l’Hapoël Tel Aviv et l’affaire de la banderole Ch’ti), les affrontements et le décès de Yann L. en marge de la rencontre qui oppose Paris à Marseille en février 2010 scelle le destin des deux tribunes ennemies Auteuil et Boulogne. Souvent raillée pour avoir éludé leurs responsabilités dans les différents dérapages survenus au cours des matchs, la direction du Paris Saint-Germain décide de prendre à bras-le-corps ce problème en proposant un plan d’actions intitulé « Tous PSG ».
En s’appuyant sur ce drame funeste, Robin Leproux sait qu’il ne souffrira d’aucune contestation possible. S’indigner de ces décisions démesurées qu’y ont été prises semble à ses yeux synonyme d’acceptation de la violence dans le football. L’opinion publique, déjà travaillée au corps par la surmédiatisation de l’épisode de la banderole quelques mois plus tôt est acquise au président du Paris Saint-Germain.
L’éradication de toute forme de supportérisme peut être enclenchée, le Parc des Princes devient une page blanche sur laquelle Colony Capital peut esquisser une nouvelle personnalité de spectateur.
2. Profiter du choc pour appliquer la politique de la terreur
Le choc gravé dans toutes les mémoires, les mesures liberticides peuvent être appliquées. A l’instar de ce qui s’est passé lors de l’après 11 septembre, la mise en place du « Patriot Act » .
Dans le cas du PSG, la première disposition mise en œuvre fut celle lors du déplacement face au R.C.Lens, d’interdire, par l’intermédiaire d’un décret, l’accès à la commune de Lens, de toutes personnes possédant un signe distinctif lui permettant de l’identifier comme un supporter du PSG et d’interdire toutes personnes possédant une plaque d’immatriculation de la région parisienne. Quid de la liberté de circulation inscrite à la déclaration universelle des droits de l’homme ? Entre la politique de la terreur distillée par Leproux aux autres clubs (cliquez ici pour prendre connaissance des mots qu’a eu Leproux à l’encontre de ses propres supporters à destination des dirigeants du Karpaty Lviv lors du match d’Europa League) et la psychose qui entoure chaque déplacement du PSG (Arles-Avignon ce week-end, Martigues ce mercredi et Rennes Samedi prochain), on ne rechigne à aucune entrave aux libertés fondamentales pour mettre fin à toutes formes de supportérisme au Parc des Princes et ailleurs.
3. Des virages rouges au virages verts
Selon Naomi Klein, l’application des théories de Milton Friedman conduit à la division des territoires en deux zones :
_ une zone verte : riche et à l’abri de tous dangers
_ une zone rouge : dangereuse et misérable
Aujourd’hui, la reconquête des virages par le plan « Tous PSG » pose des similitudes troublantes avec l’article du journaliste américain Scott Johnson de Newsweek lorsqu’il parle de la «green zone » de Bagdad :
« Des femmes en short et T-shirt font du jogging le long de larges avenues et le fast-food Pizza Inn dessert sans discontinuer les occupants du parking de l'ambassade des Etats-Unis, qui est une véritable forteresse. Aux abords du bazar de la Zone verte, des enfants irakiens proposent des DVD pornos aux soldats […]. Toutes les nuits de la semaines, les habitants de la Zone verte peuvent s'adonner aux joies du karaoké, jouer au badminton ou fréquenter un des bars locaux à l'ambiance tapageuse, y compris un club privé géré par la CIA et accessible uniquement sur invitation. »
Zone insouciante, de consommation et de loisirs, à l’abri de tout conflit, voila l’objectif du Plan Leproux. Derrière son président se cache Colony Capital et un unique dessein : transformer le Parc des Princes et ses abords en un lieu de loisir, à l’abri des conflits et de la ferveur des supporters qui nuisent à la réputation du produit PSG. Débarrasser des classes populaires des banlieues et de la frange « extrémiste » de Boulogne, Colony Capital entend bien profiter de l’aubaine immobilière que représente le Parc des Princes à la Porte de Saint-Cloud. Le fond d’investissement américain est avant tout un spécialiste des aubaines spéculatives et immobilières : Carrefour, Accor, Buffalo Grill, moult banques asiatiques, le Paris Saint Germain n’est qu’une ligne de plus sur les paris financiers que prend cette firme internationale.
Attiré lors de la vente du club en 2006 par un prix accessible (on parle d’une vente à hauteur de 41m€), Colony Capital avait fait le pari de l’acquisition du bail auprès de la ville de Paris [cliquez ici]. Avec l’attribution de l’Euro 2016 à la France, nul ne doute que le Parc bénéficiera d’une aide à sa rénovation, ainsi que ses abords, permettant une configuration proche des stades allemands, chers à nos dirigeants de club. Centres commerciaux, boutiques, restauration rapide, tout sera bon pour que le spectateur débourse autre chose que le prix de son droit d’accès en tribune. Les supporters, peu enclin à consommer aux abords du stade, représentent un obstacle à l’avènement des spectateurs occasionnels, moins turbulents et certainement plus enclin à dépenser leur argent.
En septembre 2010, le Canal Football Club avait estimé à 5 millions d’euros les pertes liées à la grève d’une partie des supporters. Une somme dérisoire à moyen terme puisque Leproux table sur les bons résultats du club et sa politique de pacification pour attirer une nouvelle politique de spectateurs.
Finalement, la stratégie mise en place par Leproux et Colony Capital est proche de l’ensemble des mesures prises par les chantres du capitalisme agressif depuis les années 70. Certes, il est toujours douteux de comparer des faits historiques à l’ampleur dramatique (les dictatures au Chili, en Argentine, le 11 septembre, Katrina ou le Tsunami) et une chose aussi futile que le football mais ce qui se trame actuellement autour du Parc des Princes est symptomatique de notre société : Profiter d’un évènement tragique et de la passion qui l’entoure pour enrichir une infime minorité qui a compris les mécanismes de la psyché humaine.
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Retrouvez l'ensemble de notre dossier sur le Plan Leproux :
♦2 Le Parc, laboratoire des futurs stades français
♦3 Quelles issues pour les supporters parisiens ?