Et si l'on faisait le pari des stades éphémères ?
Alors que les chiffres des affluences de la mi-saison de Ligue 1 démontrent une tendance à la baisse, les projets de stade dans l’hexagone tendent vers le “toujours plus grand”. Un paradoxe qui permet au Moustache Football Club de soumettre l’idée qui peut paraître saugrenue : et si l’on faisait le pari des stades éphémères ? la démonstration suivante prouve que la démarche est possible, qu’elle est déjà exploitée ou en projet mais qu’en France, la puissance des grands groupes de BTP empêche de s’engager sur cette voie.
Alors que les chiffres des affluences de la mi-saison de Ligue 1 démontrent une tendance à la baisse, les projets de stade dans l’hexagone tendent vers le “toujours plus grand”. Un paradoxe qui permet au Moustache Football Club de soumettre l’idée qui peut paraître saugrenue : et si l’on faisait le pari des stades éphémères ? la démonstration suivante prouve que la démarche est possible, qu’elle est déjà exploitée ou en projet mais qu’en France, la puissance des grands groupes de BTP empêche de s’engager sur cette voie.
LE STADE EST UNE LIGNE DE PLUS DU PALIMPSESTE URBAIN
Il y’a d’abord les faits. Un stade est un élément d’une composition urbaine. Comme chacun de ses éléments, il évolue dans le temps et parfois disparaît...
A l'échelle humaine, la destruction d'un stade peut être perçue par certains comme un traumatisme, puisqu’il est porteur d’Histoire, d’intenses moments de passion et de drame.. À l'échelle du tissu urbain, il est cependant logique que la ville évolue, se reconstruit sur elle-même, tel un palimpseste comme l'indique L'architecte Olivier Mongin.
Parfois, la reconstruction de la ville arrangera les fans de football. A Londres, la Tour Watkin, réplique britannique de la Tour Eiffel qui ne sera jamais achevée est rasée pour laisser place au Wembley Stadium en 1923 pour l'exposition de l'Empire Britannique. Destiné à être un stade éphémère, il sera finalement sauvé.
La tour Watkin, jamais terminée, qui se trouvait à l'emplacement même du stade Wembley
Quelques décennies plus tard, c’est Highbury, l’antre des Gunners d’Arsenal qui disparaît sous les coups de pelleteuse pour laisser la place à un luxueux consortium immobilier.
Highbury aujourd'hui. Prends ça le football populaire !
Cependant, un stade est un équipement d’envergure et sa construction est souvent l’occasion d’aménager le quartier dans lequel il s’installe ou d’offrir aux environs un maillage de transports en commun conséquent. Notre propos n’est donc pas ici de contester le bien-fondé d’un projet de stade mais ses proportions. (pour notre contribution à la contestation du bien-fondé de la cohérence de certains projets urbains, vous pouvez jeter un oeil à notre article : Stades de l'Euro 2016 : l'urbanisme sur le banc ?)
DES CAPACITES D'ACCUEIL SURESTIMEES POUR LA LIGUE 1 ?
Parmi les neuf stades (hors Stade de France) qui vont accueillir la compétition en 2016, sept remplissent leurs stades actuellement au trois-quarts de leur capacité. Nice et Toulouse ne dépassent pas les 60% de taux de remplissage. En augmentant leurs capacités, les deux derniers stades cités seraient à moitié plein si les affluences restaient équivalentes à celles de ces cinq dernières années.
Concernant Marseille, Lyon, Paris, Lens, Bordeaux et Saint-Etienne, on peut se demander par quel mécanisme ces clubs pourront accroître le nombre de spectateurs pour obtenir un taux de remplissage similaire à la moyenne de ces cinq dernières années. La situation de Lille est plus aléatoire, le club dispose actuellement d’un bon taux de remplissage (90% au cours des cinq dernières années) mais il est difficile de certifier que le nouveau stade de la métropole du nord sera comble au cours de sa première année d’utilisation, même si l’on peut être confiant puisque la structure se situe dans un bassin de population de plus de 2 millions d’habitants.
DES ERREURS A NE PAS REPRODUIRE...
La Coupe du Monde 1990 en Italie a laissé de grands stades démesurés qui posent problème aujourd’hui de par leurs vétustés et de par le désengouement populaire lié à la politique ultra-repressive à l’égard des supporters qui entoure les jours de match : l’an dernier, la Série A présentait un taux de remplissage moyen de 49.8 % (voir notre article : Le taux de remplissage de la Ligue 1).
En 1994, la Coupe du Monde aux Etats-Unis était également l’occasion de relancer le soccer au pays de l’oncle Sam. Aujourd’hui, plus aucun des neuf stades qui ont accueilli l’évènement n'hébergent une équipe de MLS, privilégiant des stades plus modestes.
Enfin, à chaque journée de championnat en Afrique du Sud les enceintes de la Coupe du Monde 2010 sont remplies à hauteur de 5 à 10 % de leur capacité. Aujourd’hui, ces superstructures desservent le pays qui ne sait quoi faire de ses monstres de béton et d’acier. Certes, le football n’y est pas le sport roi mais démontre bien un certain décalage avec les principes du développement urbain actuel : modularité et évolutivité.
...ET DES PRECEDENTS QUI ONT RETENU LA LECON
Cependant, d’autres structures ont su s’intégrer parfaitement au sein du milieu urbain en évoluant selon les besoins sportifs de la population. En 1996, Atlanta accueille les Jeux Olympiques. Le Turner Field est spécialement créé pour l’occasion. Les Braves, l’équipe de baseball locale souhaite disposer d’une nouvelle enceinte et va donc participer à l’édification du stade olympique tout en réfléchissant à sa modularité. Dès la fin des Jeux, la partie nord du stade est démontée pour laisser place à la Monument Grove Plaza. Il reste encore aujourd’hui comme un magnifique exemple d’architecture éphémère.
Le Turner Field : en rouge, son ancienne emprise au sol dans sa configuration d'accueil pour les JO de 1996
Autre exemple qui pourrait faire l’objet d’une réflexion dans le cadre du sport : les expositions universelles qui se tiennent à chaque décennie. A Shanghai, quelques pavillons seulement seront conservés, d’autres ont déjà été démontés alors que celui de la France sera déplacé dans une autre ville (à définir) pour promouvoir la culture et le savoir-faire hexagonal.
Cependant, la réflexion semble en bonne voie au sein du monde du football puisqu’en 2022 au Qatar, la plupart des stades aura une capacité supérieure à 40 000 places (selon les demandes formulées par la FIFA) mais seront démontés ou réduits à une taille plus raisonnable.
Le Doha Sport Stadium (44 950 places), situé sur une péninsule artificielle du Golfe, il sera démonté et les sièges seront envoyés dans les pays en développement.
L’Education City Stadium, situé dans la partie universitaire de la ville, il sera après 2022 le stade officiel des équipes sportives universitaires.
Le Umm Salal Stadium (45 120 places) sera ensuite réduit à 22 000 places pour accueillir léquipe locale.
ET EN FRANCE ?
Dans l'Hexagone, il y'a certainement l'indicible espoir d'ancrer enfin le football au sein des villes françaises, de croire que de transformer les stades en centre de divertissement permettra d'attirer des spectateurs. Derrière cette optimisme de façade (sans mauvais jeu de mot), il y'a aussi la pression de la puissance des entreprises du BTP. Cest un marché de 1,7 milliards d'euros que vont se partager trois grosses entreprises : Bouygues, Eiffage et surtout Vinci qui s'attellera à la réalisation du stade de Bordeaux, Lyon, Nice et la rénovation du Parc des Princes, soit 750 millions d'euros. (Voir notre article : Stades de l'Euro 2016, l'urbanisme sur le banc ?). à cela il faut ajouter la manne beaucoup plus importante liée à la mise en place de partenariat public-privé pour les nouveaux stades. Soulageant les collectivités d'une dépense considérable à la construction, ces montages financiers permettent à Vinci et consorts de gérer et de mettre en location le stade aux communes et aux clubs pour une période de 20 à 30 ans.
Les PPP sont-ils si nocifs que cela ? À en croire les différentes études menées à l'étranger (et particulièrement dans les pays anglo-saxons) , ce type de montage est rarement concluant à long terme. Cette étude, qui date de 2004, abonde dans ce sens et démontre bien qu'en France , si on est souvent en retard, parfois ça a du bon.
En 1995 éclate le scandale de l'amiante en France, 36 000 personnes sont décédées en France à cause de leur exposition à l'amiante entre 1965 et 1995... alors que la dangerosité de cet isolant est connue les années 70. Alors pourquoi ce silence ? Car le comité permanent amiante (CPA) a effectué un important lobbying durant ces années, allant jusqu'à se voir confier les études de santé publique concernant l'amiante !
Certes, le sujet est nettement plus grave. Mais il démontre bien la puissance des groupes de lobbying des grands groupes de BTP.
Dans l'affaire du Carlton de Lille, David Roquet, entrepreneur mis en cause dans une affaire de proxénétisme, il signale qu’Eiffage demandait à certains de ses responsables d'inviter des élus locaux lors du congrès annuel des maires Porte de Versailles. Une soirée privée se tenait dans une grande discothèque du quartier latin. David Roquet assure qu'ils étaient ensuite incités à "distraire" leurs invités dans des virées chaudes, prises en charge, selon lui, par la société.
Bouygues BTP bénéficie de son côté des conseils d'expert en communication et stratégie TL Conseil qui s'agite aussi dans les couloirs des Palais Bourbon et du Luxembourg...
Vinci a développé une stratégie plus sournoise, ouvrant son conseil d'administration et une part de son capital à des acteurs internationaux du BTP, ce qui permet à l’entreprise d’avoir l'accès à de nouveaux marchés. Parmi eux, le QATARI DIAR REAL ESTATE INVESTMENT COMPANY , branche immobilière de QIA, détenteur à hauteur de 70% du PSG.
En somme, ceux qui payent un loyer au titulaire du bail emphytéotique...sont les mêmes. N’y-t-il pas ici un certain conflit d’intérêt ? L’autre acteur de ce groupement privé, c’est Colony Capital, ancien propriétaire du PSG mais toujours actif dans le développement immobilier du stade (voir notre article : Colony Capital lâche le PSG, pas le Parc des Princes ) qui se retrouve donc dans une situation délicate par rapport aux Qataris qui feront pression pour baisser le loyer du club, à la fois de l’extérieur (par l’intermédiaire de QSI, propriétaire du club) et QDREIC (actionnaire de Vinci ). Cette situation ubuesque porterait à sourire si l’état Français n’avait pas proposé une loi permettant aux titulaires des baux emphytéotiques de bénéficier également de subventions publiques pour la rénovation des stades (en France, il s’agit de Lens et de Paris)...