Pourquoi diable opposer football et rugby ?
Top ! Et c'est parti pour 7 semaines (!!!) de rugby avec la Coupe du Monde qui se tiendra en Nouvelle-Zélande à partir d'aujourd'hui, et cela jusqu'au 23 octobre. L'occasion de voir fleurir de nombreuses comparaisons entre l'ovalie et le football, tant sur les «valeurs » des joueurs que des supporters. Le Moustache Football Club revient sur ces excès d'humeur qui ne sont rien d'autre qu'une forme de plus d'expression d'élitisme social.
Top ! Et c'est parti pour 7 semaines (!!!) de rugby avec la Coupe du Monde qui se tiendra en Nouvelle-Zélande à partir d'aujourd'hui, et cela jusqu'au 23 octobre. L'occasion de voir fleurir de nombreuses comparaisons entre l'ovalie et le football, tant sur les «valeurs » des joueurs que des supporters. Le Moustache Football Club revient sur ces excès d'humeur qui ne sont rien d'autre qu'une forme de plus d'expression d'élitisme social.
Avant de vous attaquer à la lecture de cet article, je vous invite à lire le blog que le Figaro consacre à l’événement et plus particulièrement à ce torchon où son auteur, David Reyrat indique que le décalage horaire qui conduira à suivre les matchs très tôt dans la journée est une bonne chose, car il évitera -je le cite - « d'être pollué par la présence incongrue de ces supporters-voyous […] et des supporters bas de plafond du football qui exhibent fièrement l'université de leur sport ».
Il est toujours étonnant de constater que les adeptes d'un autre sport que le football se sentent obligés de comparer leur loisir préféré avec le people's game. Pire, cette analogie se borne en général à indiquer que le dit sport se base sur un corpus de valeurs que le football aurait perdu (solidarité, abnégation, respect des règles et de l'adversaire...).
Qu'est ce qui oppose football et rugby ? Il faut d'abord se pencher sur les origines historiques des deux sports, pas si éloignés l'un de l'autre.
DES ORIGINES HISTORIQUES LIEES
(tiré de L'histoire du football, de Paul Dietschy)
La préhistoire des jeux de balle révèle qu'ils sont pratiqués dans les Public Schools britanniques depuis la moitié du XVIIIe siècle : Eton, Rugby (l'école), Winchester, Harrow, Westminster, Charterhouse y pratiquent chacun une forme de « football ». L'un consiste à se passer le ballon, l'autre à jouer majoritairement au pied. 100 ans plus tard, en pleine Révolution Industrielle, le football fait parti intégrante de l'éducation de la upper middle class mais n'est encore pratiqué qu'au sein des établissements scolaires. Il faudra attendre 1858 est la fondation du Blackheath Club londonien pour voir cette pratique s'étendre en dehors des murs scolaires. Elle est le fruit d'une poignée de « Old boys » désireux de continuer la pratique du football après leurs études. Hors, les lois étant différentes d'un établissement à un autre, les clubs fraîchement créés doivent d'abord s'accorder sur les règles afin de s'affronter.
En 1863, les différents représentants des clubs fondent la Football Association. Chaque représentant va donc statuer sur l'élaboration de règles communes. Et c'est là que les choses se gâtent. Les dissensions portent essentiellement sur 2 points : le degré de violence autorisé et l'usage des mains.
Le 1er décembre de la même année, lors de la cinquième séance de travail collectif, on assiste à un véritable coup d'état en l'absence des représentation de l'école de Rugby : le jeu à la main et la violence à l'égard de l'adversaire sont proscrits. Officiellement cela freine le développement et la vitesse du jeu mais officieusement les membres de ces clubs étaient des hommes d'affaires, pour qui il était important de prendre soin de son apparence. La rupture est consommée une semaine plus tard entre les handlers et les dribblers. Le football et le rugby viennent de naître.
L'AMATEURISME COMME DISSENSION
Hormis un clivage lié à une conception du jeu différente, Rugby et Football vont s'opposer dans leur développement. Si le football évolue rapidement vers un amateurisme « marron » puis vers le professionnalisme, soutenu financièrement par les entreprises, la rugby league interdit toute rémunération des pratiquants de l'ovalie. Cela n'empêche bien évidemment pas sa popularisation mais pose quelques problèmes. Il faudra attendre 100 ans et le mois d'août 1995 pour voir le rugby accepté la professionnalisation de ses pratiquants.
LE RUGBY EST-IL PROPRE DE TOUS SOUPCONS ?
Depuis donc 15 ans, le rugby a rejoint le football dans le giron des sports professionnels. Souffre-t'il des mêmes maux ? A entendre la plupart des détracteurs du football pro-rugby, le sport à XV bénéficie d'avantages que le football a perdu :
Sur la question du respect des acteurs de ce sport : sur ce premier point, il me semble intéressant de s'attarder sur deux éléments : le premier est un problème d'échelle. Le rugby reste un sport « local ». Le football, de par son ubiquisme est indissociable des travers des sociétés dans lequel nous le retrouvons. Il est alors une vitrine plus favorable pour les groupes violents, racistes et xénophobes qui pour affirmer leur existence ont besoin d'une médiatisation importante que seul le foot peut leurs offrir. Le second point, c'est que des réflexions sociologiques sont engagés depuis des années sur le supportérisme du football, ce qui n'est pas le cas de ceux du rugby. Il est très difficile de connaître la composition sociologique des passionnés de ce sport quant le football reste avant tout collé à l'image d'un sport pratiqué et soutenus par les classes populaires.
Qui plus est, des tensions ne sont pas à exclure entre supporters adverses comme il y a quelques années entre Bayonne et Biarritz ou entre Bourgoin-Jallieu et Agen en 2005, où des rixtes éclatèrent entre les deux équipes et où les supporters, derrière les balustrades ne se génèrent pas pour y aller de leurs petites mandales.
Des cas isolés ? Oui, comme au football finalement. Les véritables actes de violence sur le football ne sont pas légion (voir notre article : Sortons la violence des stades ) mais surmédiatisés. L'arsenal repressif anti-supporters de la LOPPSI 2 découle d'un seul fait : les tensions entre les tribunes du Parc des Princes. Un fait divers, une loi. Ne perdons pas le rythme.
Sur la question des valeurs : Là aussi, l'on peut s'interroger sur la différence d'échelle entre les deux pratiques sportives. Comme nous le soulignons dans le récapitulatif historique ci-dessus, la professionnalisation du football est ancienne et a pu bénéficier d'un certain intérêt de ceux susceptibles d'aider au financement de son développement. Après 15 ans de professionnalisation, le rugby commence à montrer des signes de médiatisation qui n'ont pu rien à voir avec les valeurs défendus sur et en dehors du terrain, Sébastien Chabal est devenu une icône publicitaire avant d'être rugbyman, le Stade Français fait dans la communication ridicule, le RC Toulon a fait le choix d'un recrutement galactique que ne dénigrerait pas le Real Madrid...Autant d'exemples récents sur notre territoire qui relativise la sanctification des valeurs de l'ovalie.
Bien sûr, il serait faux de résumer ce sport à ces quelques écarts, comme il serait faux de réduire le football au simple Nicolas Anelka et à Knysna...
UNE POSTURE ELITISTE
Loin de moi l'idée de faire le procès du rugby et de son évolution, l'objet de cet article est la déconstruction de la critique comparative entre les deux sports de balle. Quel est donc l'intérêt d'un David Reyrat ? Aucun, sauf peut être de se conforter dans la conviction que le rugby, par le peu d'individus qu'il intéresse (au regard du football, bien sûr), par son manque de diversité sociale et ethnique et par sa volonté de se présenter comme un sport complexe, est une pratique réservée à une élite, inaccessible au commun des mortels.
Soit, libre à lui de penser que ses loisirs sont mieux que les nôtres, mais en se gargarisant de rejeter toute forme d'universalisme, cet individu piétine à mon sens les nobles valeurs qu'il pense que son sport met en avant. Un bel exercice intellectuel qui ne doit pas nous duper et qui invite à rester humble face à tant de mauvaise foi.
Je souhaite en tout cas une bonne Coupe du Monde à tous les amateurs de rugby.
Sur le même sujet :
Les Cahiers du Football : Comment dit-on footix en rugby ?
Coupfranc.fr : Pourquoi les fans de foot doivent suivre la coupe du monde de rugby ?