À quoi sert Vikash Dhorasoo ?
Lettre ouverte à Vikash Dhorasoo. Pour qu'il arrête un peu de déconner.
Cher Vikash,
Nous ne nous connaissons pas mais permets-moi de t'adresser ces quelques mots suite à une série d'interventions émanant de ta plume. De par ta notoriété, certains voyaient en toi le porte drapeau d'un autre discours sur le football, une espèce d'artiste maudit du ballon rond, entre Éric Cantona et Francis Lalanne. Toi qui fit les beaux jours du HAC et de l’OL avant de finir ta carrière en demi-teinte du côté du PSG et du Milan AC, tu as alors fait ce que tu sais faire de mieux : dire ce que tu penses, à la face de ton équipe, de tes coéquipiers et de l’équipe dirigeante lorsque tu sentais que tu étais en désaccord, comme ce fut le cas avec Guy Lacombe en 2006-2007 lorsque celui-ci te relaya sur le banc de touche de la capitale.
Cela te valut un licenciement immédiat de la part de Alain Cayzac mais fidèle à tes convictions, tu luttas pour que justice soit rendue en traînant le PSG face au conseil des prud’hommes où la raison se fit entendre et où tu décidas de régler ça à l’amiable. Tu as bien essayé de relancer ta carrière ailleurs comme ce fut le cas à Sochaux mais l’équipe dirigeante a préféré Stéphane Dalmat, peut être plus raisonnable que toi.
Sage que tu es, tu compris alors que le meilleur de ta carrière balle au pied était derrière toi et qu’il y avait peut être de la place pour un mec de ton acabit dans des métiers qui permettraient de mettre à profit ton intellect et ton sens de la déduction. ça ne sera pas à la présidence du HAC en 2007 où 97% du conseil d’administration rejette ton projet. Tu reprends alors le club de l’Entente Saint-Gratien après l’échec de Luc Dayan d’en faire le second club parisien en tentant de t’inscrire sur le long terme. Las de voir que les choses n’avancent pas comme tu le souhaites, tu quittes le club moins d’un an après.
Comme nous, tu comprends que ton aura ne peut se cantonner à l’échelle locale d’un club et que ton sens de l'à-propos et ta verve doivent servir le peuple et tes concitoyens. C’est à partir du début de cette décennie que tu décides alors de te tourner vers la politique en soutenant les élus du Parti Socialiste aux différentes échéances électorales (Royal à la présidentielle en 2007, Delanoé aux municipales en 2008 puis aux côtés de Hollande lors des primaires PS de 2011). C’est sans oublier ton éclair de génie : Tatane, lors des élections à la présidence de la FFF la même année. Manque de pot pour toi et tes acolytes, votre liste n’est pas éligible, faut d’avoir respecté les statuts.
Aujourd’hui, tu sembles avoir trouvé ta voix - et je t’en félicite - dans les parties de poker et dans le journalisme, où ton regard mélancolique et désabusé donnent une saveur particulière à tes analyses.
L’idiot utile de ce football que nous n’aimons pas
Cependant, tu n’es pas encore mort dont j’arrête ici de retranscrire ta biographie. Si je t’écris cette lettre aujourd’hui, c’est que je m’interroge sur ton engagement. Certes, tu dégages une image forte d’un footballeur qui n’a jamais su se faire apprécier et intégrer par le système en place. C’est cette caricature dont tu te sers aujourd’hui pour promouvoir Tatane, mouvement dont tu es le président et qui vise à promouvoir un autre football, humain et durable.
L’idée part d’une bonne intention et il faut valoriser les initiatives qui engagent à une attitude positive. Cependant, j’ai du mal à comprendre comment vous pouvez vous revendiquer du football “populaire” et faire l’impasse sur la présence d’acteur du monde du supportérisme lorsque vous décidez d’organiser une soirée sur le thème “faut-il construire des stades ou les abattre ?”, cela même alors qu’il s’agit d’un des principaux thèmes de lutte de l’association Red Star Bauer du côté de Saint-Ouen qui vous a relancé à de nombreuses reprises.
Je suis d’ailleurs étonné que votre organisation populaire ne daigne pas organiser d’évènements en dehors de l’Est Parisien (même si je fais preuve de mauvaise foi puisque deux des onze évènements ont eu lieu à Metz et Lille).
Joey et allégresse
Ne m’en veut pas si j’insiste sur ton profil psychologique en m’interrogeant sur ta conception du “populaire” puisque ton dernier billet d’humeur sur le site du Monde est dans la suite logique de mes interrogations précédentes.
Certes, les propos de Joey Barton à l’égard de Thiago Silva ne sont pas forcément intelligents (ce dernier l’a comparé à un gros transsexuel). Même si l’Anglais ne brille pas par sa présence sur le terrain, il reste un personnage hors norme de par l’aura qu’il dégage. Issu d’un milieu populaire, autodidacte, il se dégage quelque chose de lui qui rapproche plus sa personnalité de celle de ton idole : Eric Cantona, ce qui semble peut-être te gêner...Oui, on ne se proclame pas artiste maudit Vikash. Même lorsque l'on fait des courts-métrages à la 8mm.
Dans le même billet, tu réussis le pari de te mettre à dos l’ensemble des utilisateurs du réseau social Twitter en les traitant de - je te cite - “pauvres nazes, des gens addicts à leur PC et à la connerie des autres” et plus loin “Twitter, un truc de merde où les cons sont rois”.
Même si l’oiseau bleu a des défauts, qu’il est un peu un comptoir de bar géant où ça piaille et ça déraille parfois, il a l’avantage d’affranchir les barrières de la communication verticale unilatérale que les médias traditionnels ont mis en place. Il permet donc de confronter son avis avec des gens qui ne partagent pas le tien, parfois avec intelligence, souvent avec second degré, le format court obligeant à des répliques percutantes et cela, selon ta place dans l’échiquier de notre société. J’ajouterai même que Twitter concentre une partie des personnes qui voient le football autrement, un peu comme Tatane et que d’un certaine manière, tu te prives d’une partie de ton soutien en les insultant.
Car tu vois Vikash, en tant que vieux marxiste, lorsque je fais la synthèse de ma diatribe à ton encontre et que je constate que
- mettre en place Tatane comme une révolution de l’alterfoot avant que celui-ci ne se transforme en association d'organisation de soirée dans les quartiers branchés parisiens,
- que tu te frottes à Joey Barton, pour une vanne pourrie que n’importe quel mec d’un quartier populaire aurait fait,
- et que tu vois en Twitter un simple réceptacle à la haine,
Pardonnes-moi mes mots mais je trouve que cela pue un peu l’indignation demi molle, de celle de ces mecs dans leur tour d’ivoire qui l’ouvrent lorsque les moutons bêlent tous dans le même sens mais qui participent bien volontairement au système qu’ils critiquent. Où vas-tu Vikash ? On te sort de temps en temps sur les plateaux lorsqu’il faut aborder la question de l’homophobie dans le football (ton principal combat, et l’on t’en félicite) mais sur des thèmes qui dépassent le cadre des questions de société, nous ne t’entendons jamais : quid de l’amalgame ultra / hooligan, quid de la lutte contre la financiarisation du football ? Quid de la main mise médiatique sur ce sport ?
Rien.
Ton statut de Stéphane Hessel du football dessert plus la cause de l’alter foot qu’autre chose. Pendant que tu parades sur les plateaux de télévision et que tu vitupères une certaine vision populaire du football, tes amis continuent leur travail de sape pour façonner ce sport à leur image et à leur profit. On ne peut s’afficher comme proche de Luc Dayan et continuer à penser que l’on est un chevalier d’un football joyeux.
Alors s’il te plaît Vikash, à l’avenir réfléchis bien avant de t’adresser en public car pour un joueur de poker expérimenté comme toi, je trouve que tu brouilles pas mal les cartes.
Bisou.