Pourquoi le football féminin français n'a pas d'avenir
Enfin ! Enfin les femmes bénéficient dans la France du football d'une couverture médiatique. Loin d'être comparable à celle de leurs homologues masculins, l'intérêt que suscite l'équipe de France risque bien d'agir tel un soufflet et de vite retomber. Le Moustache Football Club revient sur ses craintes de voir cette jolie bulle vite éclater.
Enfin ! Enfin les femmes bénéficient dans la France du football d'une couverture médiatique. Loin d'être comparable à celle de leurs homologues masculins, l'intérêt que suscite l'équipe de France risque bien d'agir tel un soufflet et de vite retomber. Le Moustache Football Club revient sur ses craintes de voir cette jolie bulle vite éclater.
PARCE QUE LE COLLECTIF PRIME SUR LES INDIVIDUALITÉS
Selon de nombreux observateurs, le football féminin, c'est « moins ». Moins puissant, moins rapide, moins technique. Mais pas moins spectaculaire. Jérôme Latta a parfaitement résumé le fond de ma pensée [cliquez ici pour voir l'article]. Moins étouffé par l'intensité athlétique, le football féminin apparaît moins vérouillé, plus tourné vers l'offensif et donc, à mon sens, plus attrayant que le football masculin.
Mentalement, le football féminin apparaît également moins vérolé par la tricherie, les roulades où l'on se tord de douleur et autres simulations. Un corpus de valeurs que l'on dit disparu dans le monde professionnel masculin, l'intérêt économique des matchs dépassant l'intérêt éthique.
Paradoxalement, ce football qui apparaît plus simple et plus sain, loin du star system, peut être un désavantage à l'ère du buzz permanent et éphémère. Il manque une individualité médiatique qui cristalliserait l'intérêt du quidam et représenterait le football féminin français. On peut légitiment penser à Gaétane Thiney, milieu offensif de l'équipe de France, qui avait accepté de poser nue pour attirer l'attention du grand public et qui bénéficie d'une tête bien faite et d'un charisme qui lui fait souvent prendre la parole auprès des médias qui daignent s'intéresser au foot féminin. Une assurance qui lui a permis d'obtenir le titre (totalement anecdotique) de la sportive la plus glamour en 2010. Cependant, selon ses propres dires, son avenir se trouve en dehors des terrains, dans l'encadrement technique de la FFF.
PARCE QUE LE HANDBALL DEMONTRE QUE SUCCES SPORTIF N'EST PAS FORCEMENT SYNONYME D'ATTRACTION MEDIATIQUE
Sport collectif le plus titré de France, le handball bénéficie d'épiphénomènes qui surviennent régulièrement, lors des grandes compétitions internationales des sélections. En dehors ? Point de retransmission, hormis sur les chaînes du câble, et essentiellement lorsqu'un club français se trouve dans le dernier carré d'une joute européenne. Le grand public connaît les qualités des Bleus mais le handball semble souffrir des mêmes maux que le foot féminin : pas de stars (demandez à vos proches de vous citer un joueur de l'équipe de France de handball, il y'a des chances pour que Richardson soit la réponse la plus courante), un championnat anonyme, un sport peu ancré dans le territoire, etc etc.).
UNE BASE AMATEURISTE PEU DEVELOPPÉE
Il aura fallu une domination écrasante de l'équipe de France de hand sur l'échiquier mondial pour que le grand public s'intéresse enfin à ce sport. Le nombre de licenciés augmente enfin, pour atteindre 440 000 en juin 2011, soit presqu'autant que le basket-ball. En 2010, le football féminin ne représentait que 55 000 licenciées, soit 3 % de l'effectif total...un résultat bien maigre au vue du million de licenciées que compte le voisin allemand...
LE MACHISME : UN PROBLEME FRANCO-FRANCAIS ?
Car à bien y regarder, l'émergence d'un football féminin apparaît comme un événement médiatique mais est loin de se traduire dans les faits. En 2007, lors des élections présidentielles, la présence de Ségolène Royal au second tour fut fêté par beaucoup d'observateurs comme une avancée pour la parité des sexes. 4 ans plus tard, les belles promesses d'un gouvernement équitable ont disparu et la France est toujours à la traîne en ce qui concerne son parlement, alors même que 10 % des pays comptent une cheffe d'état ou de gouvernement. En France, les mœurs peinent à changer et le football, comme la politique apparaissent aux yeux de beaucoup comme un sport d'hommes. En Allemagne ou en Suède, la parité n'est plus un enjeu, c'est une réalité. Il apparaît alors normal que le football soit régit par la même dynamique. Qu'on le veuille ou non, la France offre un visage de plus en plus conservatiste et il est bien difficile de faire évoluer les mentalités lorsqu'il s'agit de sectarisme, qu'il soit racial ou lorsqu'il concerne l'égalité des sexes.
CAR LA MEDIATISATION DU FOOTBALL SEMBLE ARRIVER A SATURATION
La télévision et le football ont connu en quelques années une intensification de leur histoire d'amour. D'une situation oligarchique ou TF1 et Canal Plus se partageaient l'ensemble des rediffusions, l'émergence des chaînes de la TNT a conduit à la diffusion de matchs qui n'auraient jamais eu droit de citer avant : intertoto, équipes espoirs, la nécessité de posséder au moins un programme dédié au football conduit même à diffuser les matchs amicaux d'intersaison... une escalade qui ne semble pas avoir de limites, puisque la FFF, sentant le filon et souhaitant surfer sur le succès médiatique des Bleues souhaite diffuser les matchs de Ligue 1 féminine dès cette saison! Une initiative qui a peu de chances d'aboutir, les clubs en lice pour la compétition féminine ne possédant pas l'aura des clubs professionnels masculins.
DES RAISONS D'ESPERER
Pourtant, il existe des raisons d'y croire. Dans un paysage médiatique où le manichéisme est souvent le raccourci intellectuel le plus usité, l'équipe de France féminine dispose d'une représentation à l'inverse de celle des Bleus de Knysna : pas de stars capricieuses, un groupe uni et combatif qui réussit, il n'en fallait pas plus à la FFF pour mettre le paquet sur cet événement. Et dans un univers où il faut parler de soi constamment, en bien ou en mal, être cité par Vincent Duluc de l'équipe ou raillé par Pierre Menès est déjà un bon point.
Selon Paul Dietschy, historiquement, le football féminin français a connu une régression...à partir des années 20. En pleine période des années folles, les Bleues attiraient de 30 000 à 40 000 personnes, que ce soit au stade Pershing de Paris ou à Roubaix. Le « retour à l'ordre » va venir effacer ces progrès.
L'avenir du football féminin dépend de l'amélioration de la condition féminine. Actuellement, il s'apparente plus à une déclinaison rafraîchissante du jeu, comparable au futsal ou au beach-soccer plutôt qu'à un véritable pilier du football mondial traitant d'égal à égal avec son homologue masculin.
L'anonymat du football féminin français symbolise à lui seul les lacunes de l'hexagone en matière de droits de la femme. Les pays qui dominent le plateau sont ceux où la parité est la plus avancée : Etats-Unis, Allemagne et Norvège. Aux USA, 9 millions d'américaines pratiqueraient ce sport, un exceptionnalisme qui apparaît comme le décalque négatif de la relative faiblesse du soccer masculin.
Le football féminin français s'offre une vitrine médiatique impensable il y'a encore quelques mois. Une médiatisation qui risque d'être relativement éphémère et qui nécessitera une constance dans l'excellence pour ne pas retomber dans l'anonymat. Même en cas de bonne progression, le football féminin français bénéficiera au mieux d'une renommée digne de celle des Experts du handball. Un mal pour un bien finalement qui permettra peut être d'éviter les travers connus chez leurs homologues masculins...