De la quête de crédibilité du football féminin
C'est auprès du public et des médias que ces dames peinent à trouver la place qu'elles méritent. Aussi, quand beaucoup s'accordent à reconnaître un vrai potentiel de popularité à ce sport et alors même qu'il n'intéresse actuellement, du moins en France, qu'une poignée de supporters, voilà sa crédibilité déjà en danger.
La Coupe du Monde de football féminin a débuté hier, et les Françaises, qualifiées après une campagne éliminatoire réalisée avec brio, l'ont entamée plutôt timidement grâce à une courte victoire sur le Nigéria. Après une éclosion difficile et mouvementée, le football féminin français semble n'avoir jamais été aussi performant (lire à ce sujet Lucarne opposée - Debout les filles !).
C'est auprès du public et des médias que ces dames peinent à trouver la place qu'elles méritent. Aussi, quand beaucoup s'accordent à reconnaître un vrai potentiel de popularité à ce sport et alors même qu'il n'intéresse actuellement, du moins en France, qu'une poignée de supporters, sa crédibilité semble d'ores et déjà bien entamée.
Une promotion fondée sur des arguments douteux
Récemment, la fédération française a cédé aux sirènes (probablement très tentantes) de l'extrasportif pour promouvoir le foot féminin. Après avoir nommé Adriana Karembeu ambassadrice (« de charme », et c'est bien le problème) et en avoir fait un site officiel dont les images de fond sont, pardonnez-moi, dignes d'une agence d'escorting spécialisée footeux (lire là-dessus cet article), après cela donc, voilà nos Françaises héroïnes d'un clip nian nian, chantant en playback (dont la synchro laisse à désirer) une chanson daubesque à souhaits. Ces mêmes joueuses qui, lorsqu'Eurosport leur proposa de choisir le nom de leur magazine dédié au Mondial, ne purent s'empêcher de tomber, une fois de plus, dans le panneau en proposant "Au sein des Bleues".
La crédibilité du football féminin avait pourtant été déjà bien entamée lorsque la Fédé n'avait rien trouvé de mieux que des photos des joueuses nues pour attirer l'attention du public. Sous couvert du slogan-alibi « faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? », Corinne Franco (<3), Gaéthane Thiney ou encore Elodie Thomis venaient nous rappeler pourquoi on aime tant le football...
Le coup de la « provocation » pour avancer la cause, on nous l'a déjà faite, et on ne nous y prend plus, merci. Le pire étant que, d'un point de vue marketing, ces campagnes ont été des flops, le nombre de licenciées n'ayant pas augmenté. Du perdant-perdant.
Corinne, si mon article ne t'a pas trop énervée, tu peux toujours me suivre sur Twitter, je me ferai un plaisir de te développer mes arguments plus en avant. Merci
L'exemple allemand
L'exemple allemand est intéressant à ce titre que le football féminin y est déjà très bien installé : un million de licenciées, 15,37 millions (!) de téléspectateurs pour l'entrée de leur sélection dans la compétition. Un tel engouement devrait a priori rassurer les Françaises : il est possible d'être une femme, de jouer au football, et d'attirer les foules.
Sauf que les Allemandes, pour un certain nombre d'entre elles, sont déjà pipolisées à mort, ce qui nous laisse penser qu'une éventuelle explosion du football féminin en France ne se fera sans son inexorable cortège de couvertures raccoleuses. Ainsi, comme les Françaises, encore que de manière plus suggestive, plusieurs joueuses outre-Rhin se sont déjà « prêtées » à l'objectif des photographes de Playboy.
"- Ah, c'est mieux qu'un coup de pied au cul hein ! - Tout à fait Thierry !"
La plus emblématique d'entre elles est probablement Fatmire Bajramaj, attaquante de Potsdam qui vient d'être transférée à Francfort (mais ça on s'en fout, j'ai envie de dire), que 11freunde.de affuble du « syndrôme Kournikova », constatant avec pertinence que sur un plan marketing, le fait qu'elle ne soit pas titulaire ne pose aucun problème, et relevant là une différence assez notable avec le football masculin où, les joueurs les plus connus restent les joueurs de premier-plan. Et il ne faut donc pas s'étonner que la légende Birgit Prinz ait désormais une Barbie à son effigie (de même que Silvia Nied, la sélectionneuse... wtf?). Encore faut-il néamoins préciser, pour rester juste, que pour la majorité des joueuses, fussent-elles allemandes, jouer au football ne fait pas gagner sa croûte.
La sempiternelle « référence » masculine
Pour autant, comme le remarque cet article, si la fédération allemande n'a pas exhibé ses joueuses pour leur acheter une légitimité médiatique, la sempiternelle référence au football masculin est toujours bel et bien là. Même avec 15 millions de téléspectateurs. Ainsi, à l'occasion de ce Mondial à domicile, une campagne médiatique a été lancée, clamant que « 3. Plätze sind was für Männer! », c'est à dire « la 3ème place, c'est pour les hommes ». La troisième place en question faisant évidemment référence à celle obtenue par l'équipe masculine au dernier Mondial sud-africain. On vous laisse imaginer les réactions que susciterait, à raison, une campagne sur le mode « On est là pour gagner, on est pas des gonzesses ! ».
Mais plus généralement, en France comme en Allemagne, le foot féminin donne l'impression ne ne pouvoir se construire qu'en comparaison, voire en opposition à son illustre homologue. Aussi, et bien qu'il faille reconnaître au footeux de base une tendance pénible à arguer que le foot féminin est moins ceci (au hasard technique), ou plus cela (au hasard lent), le monde du foot féminin lui-même se complait dans cette comparaison, qui nous expliquant que chacun à ses spécificités, qui nous assurant que le niveau entre les deux s'est beaucoup resserré etc.
Plus intéressantes, ces deux vidéos ci-dessous, l'une exaltant la virilité combattivité de ces dames à travers un clip-florilège de gestes techniques en talons et de tacles en tailleurs, l'autre montrant la sus-mentionnée Bajramaj et Özil se vannant gentiment.
Au fond, hélas, on ne peut guère mettre sur le compte d'un besoin de promotion légitime les déviances pipolisantes de nos footeuses. Car ne nous y trompons pas, si d'aventure elles parvenaient par cette voie à atteindre le statut de popularité de leurs homologues outre-Rhin, il n'y aucune raison pour qu'elles ne finissent pas, à l'instar de ces dernières, avec des poupées Barbie à leur effigie. Et c'est donc sur cette observation un tantinet pessimiste que nous souhaitons à l'équipe de France de football de bien figurer dans ce Mondial, car elle en a assurément les moyens sportifs.