L'argent fait-il le bonheur des clubs de Ligue 1 ?
Suite à la petite phrase de Patrick Le Lay (président du Stade Rennais et ancien directeur de TF1) célèbre pour sa réflexion sur le temps de cerveau disponible, le Moustache Football Club a décidé de se pencher sur la question de l'incidence du budget sur le classement final afin de savoir si les clubs de Ligue 1 ont réellement fait, ou non une bonne saison. Analyse sur ce qui représente pour certains comptables de Ligue 1 un véritable cauchemar.
Suite à la petite phrase de Patrick Le Lay (président du Stade Rennais et ancien directeur de TF1) célèbre pour sa réflexion sur le temps de cerveau disponible, le Moustache Football Club a décidé de se pencher sur la question de l'incidence du budget sur le classement final afin de savoir si les clubs de Ligue 1 ont réellement fait, ou non une bonne saison. Analyse sur ce qui représente pour certains comptables de Ligue 1 un véritable cauchemar.
PATRICK LE LAY OU LA SIMPLICITE BIBLIQUE DU FOOTBALL
En janvier dernier et seulement quelques mois après son arrivée à la tête du Stade Rennais, Patrick Le Lay avait eu cette petite phrase, tellement typique de l'intelligence décomplexée du bonhomme :
“L’économie du football est d’une simplicité biblique. Pour être champion de France, il faut que l’entreprise de spectacle que vous dirigez tienne simplement sa part de marché. C’est-à-dire marque entre 68 et 75 buts par saison. À raison d’un investissement d’un million d’euros par but, vous êtes condamné, pour demeurer leader du championnat en fin de parcours, à disposer d’un budget annuel avoisinant 70 millions d’euros. Ce qui est le cas de Marseille ou de Lyon. Avec mes 50 millions d’euros de budget, je sais ainsi où je serai à la fin de la saison.”
source : L'express
Le Moustache Football Club a donc pris l'initiative d'analyser le classement (presque) final de la Ligue 1 en le comparant avec le classement des budgets prévisionnels des clubs :
LE LAY A DEMI ECREME DANS LE VRAI
La remarque de Patrick Le Lay est à moitié juste : l'Olympique de Marseille, PSG, Toulouse et Arles Avignon ont un classement qui correspond à leur budget et on peut concéder que le président du Stade Rennais a vu juste concernant l'OL, le Stade Rennais, l'A.S. Saint-Etienne, l'AJ Auxerre, le SM Caen, le Stade Brestois et l'OGC Nice.
Cependant, le championnat de Ligue 1, connu pour être plus homogène que ses homologues européens, réserve comme chaque année de belles surprises : Lille, qui a un budget pour jouer l'Europa League remporte le championnat et la Coupe de France et s'assure une jolie augmentation de son chiffre d'affaires pour l'année prochaine (Marseille a bénéficié de 50m€ de gains émanant de son classement sportif et de la redistribution des droits TV l'an dernier).
LE LAY BENEFICIE D'UNE QUALIFICATION EUROPEENE POUR DU BEURRE ?
Rennes, Sochaux et Lorient, qui se sont battus jusqu'au bout pour les places d'honneur ouvrant l'accès à l'Europa League l'année prochaine, peuvent d'or et déjà se féliciter d'une bonne saison : le club du Doubs et les Merlus possèdent respectivement les 12e et 14e budgets de L1. Néanmoins, à part le prestige d'avoir fait le maximum avec le minimum, une qualification en Europa League n'est pas une fin financière en soi : cette saison, une équipe qualifiée en Europa League percevait automatiquement 1 million d'euros pour sa participation aux matchs de poule et pouvait espérer empocher 1,84 millions supplémentaires en cas d'un sans-faute. Au mieux, remporter l'Europa League permet d'empocher 7 millions d'euros (à condition d'aller au bout des 15 matchs!), une petite dizaine de millions si l'on y additionne les droits TV...On comprend mieux que le jeu n'en vaut pas la chandelle et que les clubs dont le budget avoisine les 30 ou 40 millions d'euros ne peuvent se permettre de privilégier une compétition qui ne leur rapportera que 600 000 euros par match à condition d'aller au bout...
UNE QUALIFICATION EN LIGUE DES CHAMPIONS BIEN PLUS IMPORTANTE POUR LYON QUE POUR LE PSG
Déjà cette année, l'Olympique Lyonnais a vu son budget baissé de 50 m€, suite à son éviction du haut du podium deux années de suite. Pour la 3e année consécutive, les Gones ne seront pas à la tête du football français et cette saison risque de constituer un tournant si le club ne se qualifie pas en Ligue des Champions. A la lutte avec Paris jusqu' à la fin de la saison pour ce dernier strapontin vers les étoiles, une qualification représente une manne financière bien moins négligeable que celle de l'Europa League : cette année, la Ligue des Champions a rapporté 7 millions au seul participant, 800 000 € au vainqueur d'un match, 400 000 € en cas de match nul, puis entre 3 et 4 millions d'euros pour chaque qualification pour l'étape suivante des phases finales, jusqu'au pompon ultime de 9 millions d'euros pour la finale. En guise d'exemple, citons l'Inter Milan, vainqueur de l'édition précédente qui a percu 22 millions d'euros, rien qu'en gains sportifs. Car le véritable enjeu est celui des gains que concèdent gracieusement les diffuseurs télé.
Ce « market pool » est indexé sur le montant des droits de télévision payés par chaque pays. Jérome Latta des Cahiers du Football explique ça judicieusement dans cet article [cliquez ici] : Pour un parcours équivalent en Ligue des Champions jusqu'aux quarts de finale en 2009, Manchester United aura perçu 29 millions d'Euros, Bordeaux 12 millions d'euros et le CSKA Moscou, 4,8 millions...
Entre 2003 et 2010, la Ligue des Champions a rapporté 167 millions d'euros à l'Olympique Lyonnais, soit autant qu'au FC Barcelone...Une somme délirante qui creuse d'autant plus les revenus des clubs qui participent régulièrement à la C1 et les autres...Une addiction à laquelle Jean Michel Aulas ne peut pas dire non sous peine de se voir distancer par les autres poids lourds européens.
UNE CATASTROPHE POUR LENS, MONACO OU NANCY
Enfin, du côté des mal classés, à quoi pouvait prétendre Arles-Avignon avec un budget près de 8 fois supérieur à celui de l'Olympique Lyonnais ? Le club des deux villes de PACA est finalement à sa place contrairement aux 17, 18 et 19e. On peut réellement parler de catastrophes pour des clubs comme le Racing Club de Lens, qui avec un budget de 40m€ s'attendait à une saison bien au chaud dans le ventre mou de la Ligue 1 alors que Monaco (7e budget) s'apprêtait à entrer en lice pour obtenir un ticket européen ! Même constat pour Nancy, qui avec un budget similaire à celui du Racing Club de Lens ne s'attendait peut être pas à être autant à la peine.
Contrairement à Caen, Brest et Nice (respectivement 16e, 19e et 18e budgets prévisionnels de Ligue 1), une relégation à l'étage inférieur constitue un manque à gagner énorme pour le club du Rocher ou de Lorraine : Cette année, Le Mans possédait le budget le plus élevé de Ligue 2 avec 23 m€ et Nantes arrivait second avec...18m€, un budget similaire à celui d'Arles-Avignon. La faute à un manque à gagner en matière de redistribution des droits TV, le championnat de Ligue 2 souffre de visibilité médiatique que l'arrivée de la chaine de la LFP, Cfoot, tentera de combler.
Un rapide coup d'oeil sur les budgets de Ligue 1 et de Ligue 2 permet de prendre conscience que le second échelon présente une répartition des richesses bien plus homogène, ce qui explique peut être sa qualité et le peu de différences qui résident avec les clubs de l'élite.
Au final, donnons en partie raison à Patrick Le Lay, le budget détermine la position finale au classement mais la redistribution des cartes (et surtout des droits TV) au début des années 2000 a conduit à un football à plusieurs vitesses, laissant peu de places au « hasard sportif ». Lyon peut se passer d'une année en C1, mais deux, cela serait catastrophique, la qualification de Sochaux et de Rennes en Europa League ne sera pas forcément un atout à leur développement économique et une relégation en Ligue 2 imprévue peut plomber définitivement un club qui n'était pas préparé à une telle mésaventure. La part importante qu'occupent les droits TV dans les revenus des clubs de football plombent la compétition et renforcent les inégalités.
Un rapide coup d'oeil à la répartition des gains lors de l'édition 2009-2010 de la Ligue 1 permet de prendre conscience de ce paradoxe : Montpellier, 5e a perçu le même gain que Lens qui a fini 13e, ou que Saint-Étienne qui a fini 17e. Des petits arrangements qui sclérosent le championnat et qui limitent le risque économique des clubs. Au détriment d'une certaine logique sportive .